29 décembre, 2006

Mission à Gourcy (9)


Jeudi 14 juillet 2005

Dernière journée à Gourcy. Je suis éveillé par le chant du coq et le braiment d’un âne. Il est 6h30 et le ventilo se remet en marche. Le courant vient juste d’être rétabli.
Après le petit déjeuner, composé comme d’habitude d’une tasse de Nescafé, d’un bout de pain et d’un peu de matière grasse (saindoux ou ersatz de margarine ?), Monsieur Ouedraogo vient nous chercher vers huit heures et demie pour une ultime série de rencontres. Un violent déluge nous contraint cependant à attendre un bonne heure dans l’auberge. Nous nous abritons dans une pièce où des membres du personnel se sont installés devant la télé. C’est la retransmission de la 12e étape du Tour de France : Briançon-Dignes les Bains dans le décor majestueux des pré-Alpes. Contraste étonnant entre ces vélos rutilants traversant les pâturages gras et verts et cette nature austère qui nous entoure à Gourcy.
Les Burkinabés semblent particulièrement férus de cyclisme. Dans ce pays où le vélo est probablement le premier et le plus populaire des moyens de transport il était normal que ce soit aussi ici que se crée la première compétition cycliste professionnelle d’Afrique baptisée « le Tour du Faso ». Une compétition née en 1987, se déroulant en une douzaine d’étapes et parcourant bon an mal an, dans la fournaise de novembre, quelques 1300 kilomètres dont bon nombre de tronçons ne sont pas goudronnés. Une véritable galère pour les sportifs occidentaux peu accoutumés à de telles conditions climatiques !

(gourcy, la vieille mosquée)

Nous avons tout d’abord rendez-vous avec le gardien du mausolée du Naaba Yadéga. Sur un promontoire, un peu à l’écart de la ville se trouve une sorte de petite pyramide de construction récente. Elle est sensée abriter les restes du Roi fondateur du Royaume du Yatenga.
L’ homme chargé de surveiller ce lieu sacré est peu bavard et d’apparence sévère. Il me fait comprendre à mi-mots que les photos du lieu ne sont pas spécialement bienvenues. Il faut dire que l’endroit est chargé de mystère voire de "surnaturel" avec lesquels on ne plaisante pas trop ici. A quelques mètres du mausolée se trouve en effet un imposant rocher plat en latérite nommé la « Pierre du Pouvoir ». Si je comprend bien le gardien, tout qui s’assied sur cette pierre en psalmodiant les incantations requises, sera appelé tôt ou tard a exercer des fonctions importantes au sein de sa communauté. Michel et moi sommes exceptionnellement autorisés à nous y asseoir et à formuler un vœu.


(gourcy, le surveillant du mausolée du Naaba Yadéga)

C' est à ce moment, que d’une case en terre située un peu en contrebas s’échappe une musique bien singulière et je crois y reconnaître Yvette Horner interprétant « Sous le ciel de Paris ». Dérisoire réminiscence d’un passé colonial finalement pas si lointain !

Redescendons ensuite vers le centre de Gourcy où cette fois un bataillon de femmes en tablier bleu et armé de ballets semble nous attendre depuis un bon moment. Le Maire de la commune a souhaité que nous assistions à un projet mis en place depuis peu dans sa commune consistant en la création d’une équipe de nettoyage et de ramassage d’ordures aux abords du marché quotidien. Une initiative encore modeste et limitée, souligne Monsieur Ouedraogo, mais qu’il souhaiterait voir s’étendre prochainement sur l’ensemble du territoire communal. Le traitement, ou plutôt, l’absence de traitement, des ordures est un véritable fléau ici comme partout ailleurs dans le pays. Problème rendu plus dramatique encore ces dernières décennies avec l’apparition des déchets, des emballages et des matériaux difficilement recyclables. Parmi les victimes inattendues de cette accumulation de déchets synthétiques : les bêtes de somme et le cheptel, déjà maigre au demeurant ! Il est en effet fréquent que les animaux meurent étouffés après avoir ingéré un de ces innombrables sachets de plastique polluant toute la campagne environnante.
Pour nous convaincre du bien fondé de cette jeune initiative, une véritable chorégraphie de balayeuses a été programmée à notre attention. En rang serré, courbées en deux, elles virevoltent, elles vont et viennent avec brosse, balais et ramassettes soulevant des nuages de poussières et des nuées de miasmes sans nom. Dieu merci, la plupart de ces travailleuses (il n’y a que des femmes dans cette équipe) porte un masque protégeant la bouche et le nez.

Histoire de se nous rafraîchir un peu la gorge, nous passerons encore un moment à la terrasse du café de la place avec le Maire et ses adjoints après quoi nous nous donnerons un dernier rendez-vous vers 20 heures pour un souper ainsi qu’une soirée culturelle d’adieu.

Dans la cour intérieure du café, une grande table en U a été disposée. La plupart des autorités politiques et ecclésiastiques villageoises ainsi que forces vives locales sont déjà présents.. Plusieurs spectacles ont été prévus pendant toute la durée du repas. Successivement apparaissent des groupes de danseurs, de percussionnistes mais aussi de chanteuses improvisant en moré de longs textes à la gloire des convives…moyennant rétribution préalable. Je bavarde un moment avec une des chevilles ouvrières de cette soirée : un jeune homme engoncé dans un anorak doublé de fourrure et coiffé d’un épais bonnet de laine. Il tremble de tout son corps. Malgré sa crise de paludisme, l’animateur culturel local, m’entretient avec fougue et émotion de sa passion pour le théâtre-action. Il me confie qu’en dépit des immenses obstacles financiers, il consacre tous ses temps libres à l’écriture de scénarios de pièces, de synopsis de films qu’il soumet inlassablement aux notables de la commune en espérant quelque subvention. « Pour l’instant, tout ces projets s’empilent dans un tiroir, me dit-il, mais un jour viendra, j’en suis sûr… »

20 décembre, 2006

Mission à Gourcy (8)

Mercredi 13 juillet

Une journée bien chargée, et impressionnante, que celle-ci. Notamment avec cette visite, le matin , au dispensaire local. Nous nous entretenons longuement avec Issaka Yameogo, le médecin responsable de cette antenne médicale. Tout en nous faisant visiter l’infrastructure, celui-ci nous informe qu’il y a au Burkina Faso un médecin pour 150.000 habitants. Sur une population totale de 12 millions d’âmes il n’y aurait donc pas plus d’une centaine de médecins diplômés dans ce pays! « Et encore, l’estimation de la population nationale est sujette à caution, nous avertit Issaka, il faut en effet payer 500 frcs CFA pour être inscrit sur les registres de naissance. et beaucoup de parents préfèrent consacrer cette somme à des dépenses plus vitales »
Etant donné la cruelle pénurie de médecin, je pensais aussi que, logiquement, Issaka devait être débordé dans son hôpital. Cependant, nous allons constater très vite que pratiquement toutes les chambres de l’établissement sont vides de même que la salle d’attente. Non pas que l’état de santé général de Gourciens soit meilleur qu’ailleurs mais par le fait que la plupart d’entre eux rechigne à consulter pour éviter la dépense d’une visite qui s’élève à 100 Frs CFA soit 0,15 euro. Une somme que la plupart des gens considère encore comme trop élevée. Ceux-ci recourent ainsi le plus souvent aux médecines traditionnelles et aux plantes médicinales que l’on trouve à meilleur prix sur le marché.
A la question de savoir quelles sont les maladies les plus fréquentes que l’on traite ici, le médecin évoque tout d’abord le paludisme, viennent ensuite toutes les affections respiratoires puis les problèmes liés à la diarrhée. En ce qui concerne le SIDA, Issaka reconnaît que les différentes campagnes de prévention menées ces dernières années ont porté leurs fruits. En 2001, il y avait grosso modo 7% de la population touchée. Un proportion qui serait tombée à 2% aujourd’hui.
Au cours de la visite, nous parvenons en un lieu où se trouvent une série de pavillons en forme de hutte accueillant les enfants souffrant de mal nutrition. Là, des mères sont hébergées avec leurs bébés jusqu’à ce que ceux-ci soient tirés d’affaire. Dans la pénombre, nous apercevons certains d’entre eux, le regard vitreux et dans un état de maigreur effrayante. Le médecin se veut toutefois rassurant sur leur sort et nous montre aussitôt quelques photos d’enfants traités dans ce service. Sur certaines, on les voit quasiment squelettiques et sur d’autres on les retrouve, quelques mois plus tard, avec les joues rebondies et le sourire aux lèvres. La vie a repris. C’est terriblement émouvant.



(gourcy, le marché)

Nous quittons le dispensaire en fin de matinée et accompagnons ensuite le Maire au marché quotidien. Il s’agit d’un véritable labyrinthe de boutiques rustiques en planche, en carton, en tôle où l’on trouve des épices, du sel, des tissus, des grigris, des armes blanches, des récipients de toutes formes et de toutes tailles en terre cuite ou encore de la viande. Cette dernière est entreposée dans un local en pisé où la chaleur est suffocante. Les morceaux de chèvre ou de vache sont accrochés au plafond. L’odeur est particulièrement forte.



L’après-midi sera enfin consacrée à la visite de petites entreprises artisanales. L’une d’elles est une savonnerie réalisant tous ses produits à base du fruit du nimier. Sur de modestes étagères s’alignent la production du jour. Des savons en forme de boule ou de cube, pour laver les vêtements ou pour l’hygiène corporelle ou utilisés comme produits d’entretien. En ce moment un groupe de femme est en train de conditionner des détergents d’une belle couleur bleutée dans des bidons de plastique.
Nous nous rendons ensuite dans ce que l’on pourrait appeler un atelier de bijouterie en plein- air. Un peu à l’écart de la ville, dans un lieu perdu au cœur du maquis, une dizaine d’hommes, abrités par de légères paillotes martèle et façonne des bijoux et des bracelets en cuivre ou en étain. Chaque ouvrier est assis en tailleur à même le sol à proximité d’un petit brasero où se consument les charbons ardents utilisés pour amollir le métal. J’ai l’impression que les premières fonderies de l’âge du fer devaient ressembler à cette installation des plus sommaires.

Nous terminons enfin cette journée par la visite d’un atelier de mécanique spécialisé dans la fabrication et la réparation de machines-outils. Le patron de l’entreprise exhibe avec enthousiasme une de ces réalisations récentes. Il s’agit d’une roue de brouette dont le pneu a été entièrement réalisé grâce à des déchets de plastiques qu’il a fait fondre dans une casserole puis coulé dans un moule à la forme du pneu.
Nous reprenons le chemin du centre vers 17h puis partageons quelques verres avec le Maire et des membres de son administration. Une employée viendra plus tard chargée d’un excellent tô accompagné de sa bonne sauce gluante à base de feuilles de baobab, d’oseille, de lentilles et de gombo. Dans la pénombre, je n’arrive toutefois pas à déceler l’ aliment que j’ai puisé dans le fond de la marmite et que je suis en train de mastiquer depuis de longues minutes déjà. J’ arrive discrètement à l’extraire de ma bouche et me rends compte qu’il s’agit tout simplement d’une belle grosse tête de poisson, très expressive.
Je rentre fourbu dans ma chambre une fois l’obscurité venue, et les moustiques par trop envahissants. Je décide de prendre une douche avant de me coucher. La pression n’ est plus très forte mais cela devrait suffire. Je m’applique une bonne dose de shampoing sur les cheveux lorsque soudain, l’eau vient à s’arrêter. Le réservoir est vide. Ce soir, je terminerai ma toilette avec un fond d’eau minérale qu’il me restait. On apprend à être économe dans ces conditions et surtout… à tirer parti du moindre décilitre de ce précieux liquide.

(gourcy, à la fontaine)

15 décembre, 2006

Mission à Gourcy (7)

Mardi 12 juillet 2005

Le taux d’humidité est encore bien élevé ce matin. Un détail me le fait remarquer : les cigarettes achetées la veille se sont tellement ramollies que l’on dirait un paquet de mélasse. Inutilisables évidemment. C’est peut-être mieux comme ça après tout. Ici, j’ai d’ailleurs remarqué que les gens ne fumaient pratiquement pas ou si peu. Hier après-midi, à la terrasse du café de la place, j’avais proposé une cigarette à la personne avec qui je m’étais attablé. Avisant longuement le paquet, cette dernière finit par décliner l’offre : « C’est gentil, me dit-il, mais j’en ai déjà fumé une hier». Pour clôturer cette parenthèse malsaine et tabagique, j’ajouterai encore qu’un paquet de cigarettes coûte ici en moyenne 700 Fr. CFA soit 1,06 euros . Ce qui représente exactement le prix d’un traitement préventif efficace et durable contre le paludisme, maladie endémique en ce pays.
Cette journée commence sur les chapeaux de roues : A peine notre petit-déjeuner avalé, une personnalité du village, que nous avions déjà brièvement entr'apercue, fait son apparition. Il s’agit du tailleur du village. Il porte sous le bras un colis à mon attention emballé dans un épais papier gris. C’est mon nouveau costume. Cette fois pas question de se débiner. Il me demande de l’essayer instamment, histoire de vérifier si, cette fois, le vêtement est correctement taillé. Je m’éclipse dans la chambre et constate qu’il s’agit toujours de ce même tissu imprimé à l’effigie de la vierge. Je n’ai pas d’autre choix que de l’enfiler et de constater…que le pantalon est cette fois bien trop long. Tant bien que mal, je le remonte le plus haut possible, quasiment jusqu’à la poitrine, histoire que le bas ne traîne pas par terre. Je sors de la chambre et ne peut que m’exclamer auprès de l’artisan que cette fois, c’est impeccable. Il l’air un peu dubitatif mais accepte finalement mes compliments. Je porterai finalement ce costume jusqu’à la fin de notre séjour à Gourcy.
La matinée de ce mardi sera de nouveau consacrée à une série de rencontres avec les membres du conseil communal. Rencontres ayant pour but de dégager un projet d’entraide qui tienne la route. Une tâche particulièrement complexe étant donné l’immensité des besoins. En fait, on ne sait trop par quel bout commencer. Pour utiles qu’elles soient, ces réunions sont néanmoins quelque peu fastidieuses tant les introductions protocolaires sont longues. Même s’il y a trente personnes dans l’assemblée, il est habituel que chacun commence par se présenter. On décline ses noms, ses prénoms, ses qualités, etc… Une fois les présentations d’usage accomplies, vient alors le moment des discours de courtoisie et d’accueil où chaque orateur manifestera sa gratitude et son respect face aux visiteurs. C’ est la tradition qui le veut mais ça prend un temps fou. Aujourd’hui, je sens que ça rend particulièrement nerveux mon compagnon de voyage. En fait, il m’informe discrètement qu’il souffre depuis hier d’une diarrhée particulièrement violente et de ce fait a très mal dormi. Je suppose qu’il s’agit des crudités englouties lors du repas au presbytère qui font leur effet.
A tel point que pour la deuxième réunion prévue avec les forces vives de l’entité cet après-midi, Michel me demande de le remplacer au pied levé. Cela ne va pas être « coton », étant donné que je n’aurai pas le temps de potasser l’épais dossier technique que Michel a préparé en vue de ces réunions.
L’ heure de la réunion venue, histoire de ne pas trop perdre la face devant l’auditoire venu en nombre, (il y des commerçants, des membres d’associations diverses, un représentant des transports en commun et d’autres encore que je ne parviens pas à identifier) j’improvise une sorte de long monologue consacré à l’importance de l’amitié qui se forge entre les peuples grâce, notamment, aux échanges culturels. Le Maire de Gourcy n’avait-il pas eu cette phrase remarquable dès notre arrivée : « Avant votre aide, nous avons d’abord besoin de votre amitié ».
Je m’engage donc à essayer de faire connaître notre Commune à l’auditoire en évoquant, sans doute fort maladroitement, le contexte économique et historique dans lequel s’inscrit Oupeye et la Basse-Meuse ! Je me rend vite compte du surréaliste de la situation lorsque j’aborde des thèmes tels que l’assassinat de l’évêque St Lambert et ses commanditaires, la traîtresse Alpaïde et son concubin Pépin de Herstal, l’enterrement légendaire de d’ Artagnan au lieu-dit les « Hauts de Froidmont », etc… Mais l’auditoire semble intéressé -ou il est très poli- puisque la fin de mon exposé est marquée par une salve applaudissements enthousiastes. Je ne suis pas vraiment sûr d’ avoir fait grand chose pour la coopération au développement mais en tous cas, je pense avoir gagné la sympathie d’un certain nombre de Gourciens.
Je passerai le reste de l’après-midi seul, à découvrir la campagne environnante. Non loin de l’auberge un groupe de femmes est occupé à semer le mil. Je tente d’entamer la conversation sans trop de succès. Celles-ci ne parlent vraisemblablement que le moré. Elles acceptent cependant que je réalise quelques photos. L’une d’elles me propose aussi de m’essayer au maniement de leur outil. Un genre de pioche au manche très court utilisée pour creuser la terre avant le semis. C’est extrêmement difficile, de par ce manche très court, on est obligé de se plier quasiment en deux, de plus, et bien que nous soyons en période de pluie, la terre demeure dure comme le béton. Un vrai travail de forçats que ces femmes exécutent avec le sourire et en chantant. Je continuerai mes pérégrinations de ce jour à travers le maquis jusqu’à un modeste barrage. Rencontres avec des jeunes bergers et leurs chèvres, des groupes de jeunes filles se rendant au village et un homme qui me met en garde contre un caïman qui rôderait dans le coin. Je fais demi-tour et passe un moment à la terrasse de la place. De nouveau ce même ballet de vaches et d’ânes revenant des champs, ce même soleil pourpre, cette terre poussiéreuse et rouge et à la radio, cette fois, c’est une merveilleuse chanson de Bil Aka Kora que l’on diffuse. C’est étrange, je sens que je tombe amoureux de ce pays.
Je sors de ma rêverie lorsque la voiture du Maire s’arrête à ma hauteur : « On a retrouvé vos bagages à Ouagadougou, me dit-il victorieux, on va venir vous les apporter ce soir, vous voyez, tout s’arrange toujours ici ! ».
(gourcy, un grenier)
(gourcy, nids de tisserins)
Nouvelle rubrique musicale ici (en ligne depuis le 13/12)

09 décembre, 2006

Mission à Gourcy (6)

Lundi 11 juillet 2005

Une journée consacrée à la visite des différents services administratifs locaux et à diverses rencontres plus ou moins protocolaires. La première de celles-ci se déroule avec Monsieur Ouedraogo. En fait, je suis chargé de filmer une entrevue, un peu mise en scène faut-il le dire, entre le premier mandataire du village et Michel, l’Echevin représentant officiel de la Commune d’Oupeye. Une séquence qui sera utilisée ultérieurement lors d’une projection destinée à faire connaître aux habitants d’Oupeye la situation socio-économique du Burkina-Faso et plus particulièrement de Gourcy. Parmi les thèmes abordés, je retiens notamment celui que Monsieur Ouedrago consacre à la problématique de l’eau: « Enfant, quand j’étais berger, il suffisait que je creuse un petit trou dans le sol avec mon bâton pour qu’ aussitôt l’eau affleure. Aujourd’hui, il faut creuser des mètres pour accéder au précieux liquide ».
Des pluies de moins en moins abondantes, une nappe phréatique toujours plus profonde qui ont pour conséquence la mort de la plupart des arbres natifs dont les racines ne parviennent plus à atteindre l’ eau. Ce qui entraîne une désertification rapide et l’érosion des terrains.
Des tentatives fructueuses de reboisement sont cependant en cours notamment avec le baobab maraîcher (dont la croissance est très rapide), le neem, dont on utilise le fruit pour fabriquer de l’huile, du savon, des produits cosmétiques ainsi que ses feuilles qui une fois séchées constituent un bon engrais ou encore le jujubier (ou pommier du Sahel). Ce dernier est un arbuste épineux et sarmenteux à usages multiples apprécié pour son fruit, son fourrage et son bois. Le fruit constitue l'intérêt principal de cet arbuste. Il est consommé frais ou séché. Sec, le fruit peut être transformé en farine pour diverses utilisations alimentaires : pâte, gâteaux, boissons, bouillies. Les feuilles sont utilisées pour l'alimentation humaine et animale. Le bois, résistant aux termites, est utilisé pour la fabrication de manches d'outils, de jougs de bœufs. C'est aussi un bon bois de chauffe et du bon charbon de bois. La racine, l'écorce et les feuilles sont utilisées dans diverses préparations médicinales : hémorroïde, diarrhée, vomissement, maux de ventre, plaie… Bref, un véritable arbre à tout faire.
Toujours concernant l’eau, Monsieur Ouedraogo nous apprend encore que sur une population de 22.000 habitants, à peine une centaine de ménages à Gourcy dispose de l’eau courante.
En fin de matinée, une rencontre est prévue avec le chef coutumier du village. Celui-ci, outre ses fonctions de gardien des traditions, est aussi ce qu’il convient d’appeler un chef de guerre.
A ce titre, il occupe une place importante puisque Gourcy est considéré depuis des siècles comme étant un poste avancé et stratégique pour la protection de la capitale du Royaume du Yatenga qui est Ouahigouya (village par lequel nous étions passé deux jours auparavant).
L’habitation du Naba Wobgo (le Roi Eléphant), le nom du chef en question, est en fait une vaste « concession » entourée de murs d’environ 2 mètres de haut construits avec un mélange de terre et de briques. Il s’agit d’une sorte de citadelle rustique dans laquelle on pénètre par un porche très bas. Une fois à l’intérieur de l’enceinte, on découvre un ensemble de greniers circulaires couverts de chaume et une série d’ habitations réservées aux membres de la famille royale. Au centre de cet espace on aperçoit le mortier, un puits et quelques poules. On nous fait accéder à une pièce où, vraisemblablement, le Roi à coutume de recevoir ses hôtes. Cinq ou six hommes, probablement des conseillers, sont déjà présents, assis sur d’épais tapis aux motifs colorés et géométriques. Ils nous saluent et nous font comprendre que le Roi ne vas pas tarder. Nous prenons place sur de petits fauteuils en osier. Devant nous, le trône, en bois noir sculpté, est encore vide. Nous attendons quelques instants dans un silence quasi religieux que seul perturbe le vol des hirondelles traversant la pièce de part en part. Le Roi fait son entrée. C’ est un robuste vieillard aux cheveux blancs, portant la barbe, des lunettes solaires et vêtu une longue tunique immaculée. Il s’aide d’une canne dont le pommeau représente une tête d’aigle sculptée dans un métal doré.
Chacun se lève, se salue puis se présente en ses noms et qualités. La conversation démarre comme d’ habitude par des sujets banals et sans importance, mais assez rapidement le Roi fait état du grand drame que constitue le manque d’eau et nous désigne de la main le puits, tari depuis des lustres. Il enchaînera également sur les problèmes liés à l’absence de structure permettant de ramasser et de traiter les déchets au village.
Plus serein, et dans un registre plus anecdotique, il évoquera encore cette légende qui est à l’origine des 4 royaumes du Burkina Faso. L’histoire antique de cette amazone, fille d’un Roi du Ghana qui ne trouvant pas d’homme assez vaillant et puissant pour elle s’en alla dans la forêt à la recherche de l’homme providentiel. Elle y rencontrera un chasseur avec qui elle aura 4 enfants qui deviendront les 4 Rois du Burkina Faso. Détail piquant, parmi ces 4 fils, celui qui deviendra le Roi du Royaume du Yatenga (ou Royaume du peuple Mossi, où nous nous trouvons actuellement) portera le nom d’Etalon Vigoureux, qui en langue moré se dit…Ouedraogo. Une histoire qui n’est évidemment pas pour déplaire au Maire !
Tout au long de la conversation, chaque phrase de l’autorité est ponctuée des « Mmmmh ! », sonores et graves assénés par les conseillers admiratifs et respectueux envers leur chef.

Après la sieste, je consacre le reste de l’après-midi à une série de balades dans le village armé de mon appareil- photos. Rencontres avec le boulanger, des commerçants et des jeunes artisans avec qui le contact est particulièrement aisé, intéressant et jamais dénué d’humour.



A la terrasse du café du village, un homme d’une cinquantaine d’années me raconte qu’il est tombé il y a quelques temps sur un rapport d’une ONG hollandaise faisant état de l’ espérance de vie à travers le monde. « Evidemment, me dit-il, je cherche immédiatement la rubrique « Burkina – Faso ». Je la trouve et que vois-je dans la colonne réservée aux chiffres ?…un seul mot, à vous glacer le sang : «aucune ». Vous vous rendez compte me dit-il, il n’y a chez nous « aucune » espérance de vie. En somme, vous êtes en train de parler à un authentique miraculé, me dit-il ! Et l’homme d’éclater d’un rire puissant et communicatif….
Nous partagerons ensemble quelques authentiques Guinness jusqu’au couchant, jusqu’à cet instant où le ciel devient cuivré et les paysans reviennent de la campagne sur leur charrette tirées par des ânes dociles.
Dans le café, le garçon a retrouvé une vieille cassette, qui, me dit-il, devrait sans doute me faire plaisir. Et voilà que des diffuseurs s’échappe une voix. Celle de Michel Sardou s’époumonant… "Ne m’appelez plus jamais France".

03 décembre, 2006

Mission à Gourcy (5)

Dimanche 10 juillet 2005

Nous nous levons vers 6h30.
A ce moment, la chaleur est encore supportable.
Le déjeuner se résume à un morceau de pain accompagné d’une tasse de café soluble.

Aujourd’hui, le Maire du village a souhaité que nous l’accompagnions à la messe. Une messe un peu particulière, nous a-t-il prévenu, puisque l’officiant principal du jour sera un tout jeune prêtre qui célébrera sa première messe ce matin. Un prêtre qui est par ailleurs natif du village de Gourcy.
Avant de nous mettre en route, le Maire a néanmoins tenu à ce que nous enfilions les vêtements qu’il avait commandé l’avant-veille au tailleur du village. Je vais aussitôt l’essayer dans ma chambre et constate qu’il s’agit d’un beau costume traditionnel en coton imprimé composé d’une large tunique, que l’on enfile par la tête, et d’un ample et léger pantalon, idéal par ces fortes chaleurs. A y regarder de plus près je constate cependant que le motif principal ornant l’ensemble du costume représente une vierge. Par conviction- ou plutôt absence de conviction !-, je m’ emporte un peu et me refuse à arborer ce type de symbole religieux. Sans vouloir cependant offenser notre hôte, je remballe le costume et prétexte qu’il n’est pas à ma taille, qu’il est trop court.
Monsieur Ouedraogo, est à la fois stupéfait et un peu irrité. « Comment se peut-il qu’il ne vous aille pas, j’avais pourtant dit au tailleur que vous aviez exactement le même gabarit qu’ Untel du village…, j’ai l’œil vous savez . Regardez, votre collègue Michel, cela lui va parfaitement bien à lui »
De fait, le costume réalisé -avec le même tissu- pour mon compagnon de voyage est parfaitement ajusté, il est taillé au millimètre près, comme si le tailleur était venu lui prendre les mesures personnellement.

Déçu, Monsieur Ouedrago empoigne aussitôt son GSM et entame une conversation animée en moré avec le tailleur. Je n’y entend rien, mais je suis à près sûr qu’il lui reproche de ne pas avoir fait son travail correctement. Je me sens tout d’un coup très mal à l’aise et regrette amèrement mon refus de porter ces vêtements. Mais c’est trop tard, j’ai l’impression que l’on frôle l’incident diplomatique.

« Voilà, tout est arrangé pour votre costume, s’exclame soudain Monsieur Ouedraogo en rangeant son portable, j’ai demandé au tailleur qu’il en refasse un nouveau dans les plus brefs délais mais, cette fois, il sera un peu plus grand, il n’y aura plus de problème, comptez sur moi, m’annonce, victorieux, le Maire ».

Comme nous nous apprêtons à nous diriger vers sa voiture garée un peu plus loin, une violente averse éclate. Ce ne sont pas des gouttes qui tombent du ciel, mais de véritables torrents.
Parcourir la cinquantaine de mètres qui séparent la pension de la voiture reviendrait à nous jeter dans une piscine. Nous attendons une bonne heure que cela se calme un peu.
Vers 9h30, nous prenons enfin la direction de l’église.

L’édifice ressemble plus à un hangar qu’à un lieu de culte tel qu’on pourrait se l’imaginer. Le bâtiment est très vaste. Lorsque nous pénétrons dans l’église, la messe est évidemment entamée depuis un bon moment. Il doit y avoir entre 1500 et 2000 fidèles en ce moment.
Un responsable du protocole, nous a attendu et nous fraye un chemin à travers la foule jusqu’au banc des notables, tout près de l’autel. Il y a là des gradés de l’armée, des membres de la police et de l’administration, des prêtres, des religieuses mais aussi des représentants de la mosquée locale. Durant l’office, les sermons sont constamment entrecoupés de percussions, de danses et surtout de chants repris a capella par l’ensemble des fidèles. Des mélodies simples, en moré, d’une intensité poignante… même pour le mécréant que je suis. Je ne sais trop si ce sont les bases de l’église qui tremblent…ou mes jambes qui flageolent tellement l’émotion m’étreint. A la fin de la messe, vers 11h30, l’ambiance monte encore d’un cran lorsqu’ un groupe de paroissiens s’est approché de l’autel avec des présents en guise de bienvenue au nouveau prêtre. Parmi les cadeaux, on peut voir des corbeilles de fruits ainsi qu’un arc traditionnel et des flèches.
Soudain, la foule se lève, comme un seul homme, et se lance dans une danse improvisée à laquelle prennent très vite part les prêtres officiant. Les tambours redoublent d’intensité. On atteint des sommets d’émotion lorsque des dizaines de femmes lancent leurs stridents « you-you ». A l’extérieur, comme pour marquer la fin de la cérémonie des pétards éclatent de toutes parts.

La sortie de la messe se déroule alors dans une joyeuse anarchie. C’est une véritable foire où chacun se regroupe en petits clans au gré des affinités. On discute, on plaisante, on commente les derniers évènements de la semaine, on s’extasie devant un nouveau né.
Les couleurs des robes et des costumes sont chatoyantes et ressortent étonnement bien sur cette terre rouge et ce ciel plombé.
A quelques mètres du parvis de l’église, un groupe de femmes s’est assis par terre et s’est mis à chanter en s’accompagnant d’instruments confectionnés avec des calebasses évidées. Un attroupement s’est aussitôt constitué autour d’elles. Certains esquissent quelques pas de danse, d’autres battent des mains et reprennent en chœur des paroles ancestrales et lancinantes.
Un peu à l’écart, cinq ou six jeunes hommes ont entamé quant à eux une belle joute de percussions sur des djembés de fortune.
Les motos pétaradent, les piétons esquivent les flaques et les vélos s’en vont vers d’improbables maquis…La messe est dites, la vie reprend son cours.





Michel et moi, sommes à présent invités au presbytère où un repas a été préparé en l’honneur du nouveau curé de Gourcy. En guise d’apéritif il y des plats de crudités, du whisky Johnny Walker, du Martini et différentes sucreries (Coca et Fanta). S’ensuivent alors les plats de résistance parmi lesquels, du riz vapeur, du gésier de poulet et le fameux tô, plat national burkinabé (un pâté blanchâtre réalisé à base de mil –ou de sorgho ou de maïs pilé) accompagné de sa sauce gluante (préparée avec des feuilles de moringa, de gombo ou de baobab). Des bananes et un genre de cake sont ensuite proposés en guise de dessert, avec toujours pour boissons du Martini, du xérès et même un peu de vin rouge arrivé là par on ne sait quel miracle. Dans un coin de la pièce, les parents du jeune prêtre observent la scène et les convives sans bouger et sans mot dire. Ils regardent avec une grande fierté leur fils à qui les notables du village viennent faire l’accolade.
Lorsque le repas prend fin, vers 13h, Michel et moi décidons de regagner la pension à pied, histoire de digérer un peu puis de faire une petite sieste. En chemin, un homme nous interpelle. Il s’agit du tailleur du village. Il se confond en excuses pour le costume qu’il pense avoir « raté ». J’ ai beau le rassurer et lui dire que ce n’est pas très grave, l’artisan insiste néanmoins et m’assure qu’un nouveau costume sera près dès demain soir.

27 novembre, 2006

Mission à Gourcy (4)


Samedi 9 juillet 2005

Tôt le matin, je me mets en route seul en direction de la rue des Archives Nationales, non loin de la maison de Quentin, pour faire quelques photos dès le lever du soleil. Une quantité invraisemblable de commerçants s’active déjà en tous sens. Pas mal d’ enfants sont au travail et vendent tout ce qu’il est possible de vendre : des fruits, des arachides, de la corde, des sandales « made in China », des récipients en plastic multicolores,…
Il y a aussi quelques bars improvisés déjà ouverts : 4 planches, une tôle en guise de toiture et quelques casiers de bière font l’affaire. Des ânes se faufilent dans la circulation et grappillent ce qu’ils peuvent de nourriture dans les immondices. Ils sont en concurrence directe avec des nuées de charognards sans peur et sans reproche.
A regret, je dois rapidement interrompre mon exploration des environs : nous avons une longue route à faire ce matin pour nous rendre à Ouahigouya, à environ 200 kilomètres au nord - ouest de Ouagadougou. Cette étape a été souhaitée par Quentin ainsi que le maire de Gourcy afin de nous faire connaître une association particulièrement dynamique dans le domaine social.
La route qui nous mène là-bas est impeccable, un véritable ruban de goudron traversant un paysage tout à fait plat. Cette artère, une des principales du pays, est bien entretenue. L’on doit par ailleurs s’acquitter d’un droit de passage dès que l’on quitte la ville et que l’on s’engage sur cette voie.
En chemin, la végétation est relativement maigre : un maquis pas très dense duquel émergent, par-ci par-là, de grands baobabs.
Nous traversons quelques hameaux. Il s’agit souvent de petites entités d’une dizaine de huttes en terre de forme circulaire et couvertes de chaume. Aux alentours paissent parfois de petits troupeaux de chèvres.

Dès notre arrivée à Ouahigouya, nous sommes accueilli par Moussa. Une sorte de PDG du social qui, avec le succès de son association ECLA (Etre Comme les Autres) a quasiment acquis ici une stature d’ homme d’état. Physiquement déjà, l’homme en impose avec son double-mètres, sa bonne centaine de kilos et sa poignée de main à vous broyer les phalanges. Nous apprendrons par ailleurs qu’il fut boxeur professionnel dans sa jeunesse.
Moussa est décidément un hyper-actif dans son secteur. Il a à son palmarès la constitution d’un atelier d’artisanat pour handicapés, d’un service de collecte et de tri d’ordures, d’ un atelier de réparation de bicyclettes, d’ un système de location de charrette-réservoir d’eau et même d’une banque de micro-crédits. Nous passons un bon moment à passer en revue ces différents services en compagnie du patron.
Nous sommes ensuite conviés à un repas préparé, nous dit-on, spécialement en notre honneur.
De fait, nous siégeons, Michel, Quentin et moi avec le Maire de Gourcy, son épouse, les adjoints communaux et bien entendu le président de l’association sur une estrade où une grande table a été dressée. En contre bas, face à nous, l’ensemble du personnel a été invité comme pour assister à notre repas. Un singulier public composé de personnes invalides, handicapées, aux membres amputés ou atrophiés.
Ce repas consistera en un gargantuesque couscous qui sera, Dieu merci, partagé plus tard avec les membres du personnel….une fois le service à la table des « officiels » terminé.

Nous prenons congé de Moussa et de son association dans le courant de l’après-midi pour nous diriger enfin vers Gourcy, ultime destination de ce voyage. Une chambre nous a été réservée dans une auberge un peu à l’écart du village et de la grand route. Cet établissement (Le Cites) , existe depuis un an. Il y a une quinzaine de chambres disposées autour d’un petit patio, une grande pièce à l’air libre faisant à la fois office de salon communautaire et de réfectoire ainsi qu’un petit jardinet où le personnel s’approvisionne en condiments étranges. L’eau est quant à elle fournie par un réservoir situé au sommet d’un robuste échafaudage.
Pour ce premier repas à Gourcy, la cuisinière a préparé un spaghetti froid accompagné d’une sauce à base de viande de chèvre.
Au préalable nous aurons pris une petite bière en guise d’apéritif offert par le Maire, toujours flanqués de ses conseillers et d’un curé de passage qui s’endormira d’ailleurs aussitôt après avoir ingurgité son rafraîchissement.
Nous apprenons au cours de la conversation qu’une aile du bâtiment vient tout juste d’être affectée à la création d’un « cyber-centre » . Il y a déjà une dizaine d’ordinateurs opérationnels à la disposition des personnes qui veulent s’initier à l’informatique. Je demande aussitôt à Simon, le patron de l’établissement, à pouvoir utiliser l’une des machines pour envoyer un mail en Belgique. Malheureusement, ce ne sera guère possible car il y a de gros problèmes de connexions aujourd’hui. « Mais demain, tout devrait être réglé, m’assure le responsable ».L’électricité également jouera des tours ce soir. Mais cette fois, c’est dans l’ordre des choses, apprend-on, puisque c’est chaque nuit, à 1 heure du matin exactement, que le courant est systématiquement coupé. Un détail qui a son importance car cette coupure engendre évidemment l’arrêt des ventilateurs. Les nuits risquent d’être chaudes….

26 novembre, 2006

Mission à Gourcy (3)

Vendredi 8 juillet (suite)

Après une courte -et suffocante- nuit nous prenons le petit déjeuner en compagnie de Quentin, Zoé et leurs 2 charmants enfants –Daphné et Lucien-, une petite réunion informelle est ensuite programmée. Le Maire de Gourcy et 2 autres coopérants (Un Français –Christian- et une Belge –Delphine- y prendront part). Cette réunion aura pour but de nous éclairer un tant soit peu sur la situation socio-économique du pays. Je prends quelques notes en vrac et à la volée : la monnaie en cours est le franc CFA et 1000 Francs CFA valent +/- 1,5 euros (cours de juillet 2005). Le salaire d’un ouvrier de base est de 28.000 F CFA soit quelques 45 euros mensuels. Un instituteur peut quant à lui espérer 40.000 F CFA mensuel en début de carrière et jusque 100.000 F CFA en fin de carrière. Un cadre supérieur recevrait en revanche un salaire net d’environ 250.000 FCFA, nous précise le Maire.

Les deux principaux partis politiques en présence sont l’ ADF-RDA (Alliance pour la Démocratie et la Fédération + Rassemblement Démocratique Africain) qui, selon les termes de son Président Gilbert Ouedraogo, est un parti libéral, celui des indépendances, et aussi le premier parti d’ opposition au Burkina Faso. Le deuxième parti, majoritaire, est le CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès). Ce dernier, se définissant comme un parti social-démocrate, est né de la fusion de 13 partis et formations politiques diverses. Le président élu, Blaise Compaoré, appartient évidemment à cette formation de même que Dominique Ouedraogo, le Maire de Gourcy qui nous accueillera prochainement dans sa commune.
Côté agriculture, les principales ressources sont le mil, le sorgho, la mangue et le coton cultivés généralement sur de modestes parcelles appartenant à de petits propriétaires équipés d’outils rudimentaires.

En ce qui concerne la religion, plus de la moitié de la population est musulmane, 30 à 40% est catholique et le reste se partage entre les cultes protestants ou encore animiste. Au rayon des ressources naturelles, il y aurait un peu d’or dans le sous-sol. Deux barrages hydroélectriques et autant de centrales thermiques fournissent l’électricité du pays. Electricité dont à peine 15% de la population peut profiter.

A la fin de cette réunion informelle, le Maire de Gourcy s’inquiète à nouveau de n’avoir toujours pas de nouvelles de nos bagages disparus la veille. Pour tenter de nous dépanner il contacte par téléphone le tailleur de Gourcy afin qu’il nous confectionne d’urgence un costume.
Je me demande à quoi vont ressembler ces vêtements étant donné qu’il ne connaît pas notre taille et ne nous a pas mesuré !

Quoi qu’il en soit, nous décidons néanmoins de passer quelques heures dans le centre-ville afin de nous constituer un semblant de garde-robe. Dans une superette du coin, je dégotte quelques vêtements qui feront l’affaire : 2 t-shirts, 4 paires de chaussettes, 4 slips, une chemise et un pantalon, le tout pour 21.000 francs (CFA) ou 30 euros.

La ville est grouillante. Les vélos et les mobylettes sont les maîtres de la route.
Sur les trottoirs, on peut voir une multitude de petits commerces où on l’on peut tout acheter : des plats cuisinés, du charbon de bois, des pilons de poulet ou des chaînes de vélos, des casquettes de rappeurs ou des cassettes vidéos, il y des ateliers de petites mécaniques, des réparateurs de machines à coudre, des vendeurs de sucreries (limonades), de CD ou de cartes téléphoniques, j’en passe…….

Les ordures sont omniprésentes. Une odeur âcre prend parfois à la gorge. Dans ce quartier, par exemple, les égouts sont à ciel ouvert.

En début d’après-midi, un violent orage éclate . Des nuages de terres rouges sont soulevés par la tempête. On n’y voit plus rien. La circulation semble tout d’un coup paralysée. Les bâches des échoppes s’envolent. Les marchandises tombent , des fruits roulent sur le sol. Au bout d’une quinzaine de minutes et après une grosse averse, tout rentre dans l’ordre et, plus que jamais, cette odeur de terre mouillée monte à la tête.

La population est à la fois curieuse et aimable à notre égard. Les conversations s’engagent vite. Il n’y a aucune agressivité ou de racisme perceptible.

Un peu partout à travers la ville, on distingue les silhouettes des mosquées, des églises ou des temples protestants « Toutes ces religions vivent en bonne harmonie ici, nous avait dit ce matin Dominique Ouedraogo, moi même je suis catholique et ai fait une bonne partie de mes études au petit séminaire, par contre mon frère est musulman, cela n’empêche aucunement les bonnes relations avait précisé le Maire ».

Nous terminons cette brève incursion dans la capitale par le quartier dénommé « Ouaga 2000 ». Une sorte de vaste terrain vague où l’on construit à tout va, notamment des bâtiments grandiloquents imaginés par de richissimes propriétaires. Plus loin on passe devant le monument aux Héros de la Nation puis, au bout du Boulevard Kadhafi on aperçoit le palais présidentiel. Mais, visiblement le chauffeur de Quentin est mal à l’aise, il rebrousse chemin et me fait comprendre qu’il n’est pas bon de s’attarder ici et encore moins de prendre des photos du bâtiment. Il ne voudra pas nous en dire plus.

Le soir venu, nous partagerons un excellent spaghetti que Zoé nous a préparé. Nous passons le reste de la soirée dans la serre a discuter. Pendant ce temps, sur les murs, les geckos font leurs numéros d ‘équilibristes.

Je téléphone à Marie –Hélène et Pablo pour leur donner quelques nouvelles puis joue un peu avec Daphné. La fille de Quentin et Zoé va à l’école dans un lycée français. Un établissement fréquenté par des enfants de coopérants étrangers, d’hommes d’affaires ou de notables burkinabés..
« Ces derniers vivent parfois complètement en dehors de la réalité, déplore la maman de Daphné, alors que le pays connaît de graves problèmes d’approvisionnement en eau, certains parents d’élèves que nous côtoyons à l’école semblent n’avoir d’autres problèmes que de trouver un chlore de bonne qualité pour désinfecter la piscine!"