31 janvier, 2007

Carretera Austral / Novembre 97 -Introduction-

Une équipée familiale et vélocipédique à travers la Patagonie chilienne

Ce carnet relate un voyage réalisé en 1997 à vélo sur l’une des pistes les plus fabuleuses qu’il m’ait été donné de connaître. Cette piste se dénomme la Carretera Austral. Elle démarre du port de Puerto Montt, dans le sud du Chili, pour aboutir, du moins à l’époque, dans un petit village dénommé Cochrane, situé un millier de kilomètres plus au sud encore. Ce chemin, à peine carrossable par endroit, traverse ce qu’il convient d’appeler la Patagonie chilienne. Une région au climat extrêmement versatile : une seule journée, même en été, peut être successivement pluvieuse, neigeuse, venteuse puis soudain ensoleillée et chaude. La végétation est y parfois luxuriante. A d’autres moments, le paysage dévient désertique. On y longe aussi des glaciers, des hauts sommets enneigés et des lacs immenses aux eaux turquoises. Il y a aussi, çà et là, quelques villages qui rythment, Dieu merci, ce ruban de boue et de cailloux que constitue cette piste. Marie-Hélène rêvait de connaître ce lieu magique et hors normes depuis longtemps. Nous étions enfin prêts mentalement. Enfin, pour des raisons plus financières que dans un but « sportif », c’est le vélo qui aura été choisi comme moyen de locomotion. Louer une voiture aurait coûté trop cher et les transports en commun étant beaucoup trop aléatoires, il ne nous restait plus que la bicyclette. Six mois avant le départ nous avons donc acquis deux superbes engins, des VTT américains de marque Hardrock, sur lesquels nous avons effectué pendant quelques week-end de timides essais dans notre plate Hesbaye natale.
Autant dire que la préparation physique ne fut guère intensive.
Question matériel, nous avions chacun une trentaine de kilos à répartir dans les sacs : Une tente, les sacs de couchage, un strict minimum de vêtements, mon appareil photo et surtout un siège confortable que nous allions arrimer sur mon vélo pour notre fils Pablo, alors âgé de quatre ans.
Lorsque j’ ai relu mon carnet de notes, il y a quelques semaines, j’avoue avoir été un peu déçu. En effet, parfois, seule figurait dans mon cahier la date du jour et…aucun commentaire en dessous.
J’ai dû me remettre dans le contexte et me souvenir de la fatigue, -physique et parfois nerveuse- de la pluie, du froid et de ces soirées où après une journée de lutte contre le vent, la seule chose que nous avions envie de faire, après avoir monté la tente, était….de dormir. Parfois, j’ai essayé, spécialement pour ce blog, de reconstituer le fil de ces journées, mais parfois il n’y avait plus qu’un grand vide dans ma mémoire. Il reste cependant les photos, que je livrerai de temps en temps sans commentaire.
A bientôt et bonne lecture………….

28 janvier, 2007

Courage, fuyons...Noël! (4e et dernier épisode)

Mardi 27 décembre 2006

Le ciel est parfaitement dégagé ce matin, il est environ 8 heures et le soleil pointe le bout du nez, la journée s’annonce belle.
Nous dévalons sans tarder la rue Veletrzni à bord du tram 8, celui qui arrive Place de la République.


De là, en quelques minutes à pied, on atteint le centre historique, l’église Notre Dame du Tyn, l’Hôtel de Ville, l’horloge astronomique, l’ avenue Parizska avec ses boutiques de luxe et la place Starometske. Depuis le début du mois, elle s’est parée de décorations de Noël, de guirlandes multicolores, d’un sapin gigantesque et de chalets croulants sous les spécialités
gastronomiques.
Cette fois nous traversons le pont Charles sous le soleil. Il n’y a pas encore trop de monde à cette heure.
(le pont Charles)

Nous prenons la direction du Château royal, sur la colline, en faisant quelques détours, histoire de se laisser imprégner par l’ambiance assez romantique de ce quartier qui, selon la légende, abritait autrefois des ateliers d’alchimistes. Aujourd’hui pas mal d’ambassades siègent dans ce quartier . Celle des Etats-Unis notamment. Un vaste hôtel particulier dont les volets sont tous fermés. Sans doute la délégation américaine est-elle rentrée au pays pour Noël. Une patrouille de policiers tchèques est néanmoins en faction à proximité de l’immeuble.
Arrivés au sommet de la colline, le site du château s’impose comme une évidence. Aujourd’hui, et depuis l’avènement de la 1ère République en 1918, il abrite le palais présidentiel. Palais que Vaclav Havel n’a par ailleurs jamais occupé.
Nous pénétrons ensuite dans la première cour, sans grand intérêt architectural à mon humble avis, puis découvrons plus loin une église Saint Guy, prise littéralement d’assaut par des milliers de touristes de toutes nationalités. Ces derniers sont répartis en groupes de vingt ou trente personnes précédés d’un guide brandissant qui, un parapluie jaune, qui, un fanion ou un petit drapeau, de manière à ne pas perdre le troupeau.

(l'église Saint Guy)

Une foule bigarrée vient de se former aux grilles du château. C’est la relève de la garde. Une détachement d’une vingtaine d’hommes en costume d’apparat s’approche d’un pas martial au son des cuivres. C’est une musique militaire évoquant curieusement l’entrée des gladiateurs dans l’arène. On croirait entendre la bande sonore d’un péplum des années cinquante !
Poursuivons cette balade un peu à l’écart de la foule en direction de la colline de Petrin. Une véritable forêt de hêtres, de marronniers et de chênes au cœur de la ville. Il n’y pratiquement pas de touriste ici. L’endroit est calme et semble être un lieu de rendez-vous ou de promenade pour les amoureux, les familles et les pensionnés du cru.

(panorama depuis le Belvédère)

Un étrange pastiche de Tour Eiffel surplombe le promontoire boisé, il s’ agit du Belvédère. Pablo nous entraîne à le gravir pour apprécier la vue du sommet. Superbe et impressionnante. D’ici l’enchevêtrement des constructions prend des proportions hallucinantes. C’est un décor de théâtre, une suranbondance, une juxtaposition de styles, de formes et de couleurs sans pareille. Et pourtant, « tout ce tient », tout est parfaitement cohérent, mais aussi….rempli de mystère. Je retrouve un peu cette sensation d’excitation ,presque fiévreuse, lorsque, enfant, je me projetais littéralement dans ces décors de circuits de trains électriques miniatures, comme ceux que l’on exposait dans les grands magasins à la Saint Nicolas !

(les quais le long de la Vltava)

De retour au centre, nous consacrons ce début de soirée à la visite d’une rétrospective du photographe tchèque Jan Saudek Toujours étonnant de voir les tirages originaux de ces photos tant de fois reproduites à travers les magazines du monde entier. Saudek est évidemment une personnalité à part dans le mode de la photo. Sa manière de « coloriser » ses épreuves n’étonne peut-être plus grand monde aujourd’hui, mais il faut replacer son travail dans le contexte de l’époque (dans les années septante) où les trucages informatiques, Photoshop, etc…n’existaient pas. Ce qui me fascine le plus dans le travail de cet artiste est ce contraste de froideur, presque « germanique », dans la manière de traiter ses sujets -photographiés souvent de façon très frontale- et les atmosphères lourdes, presque baroques, engendrées par des mises en scène aux éclairages crépusculaires ainsi qu’une abondance de draperies et d’ accessoires un peu morbides (crânes, chaînes,…)


(expo Jan Saudek à la "Galery Cafe")

Quant à ses modèles de prédilection, il est, me semble-t-il, une sorte de précurseur en privilégiant des corps en dehors de tous canons esthétiques traditionnels et formatés : femmes obèses ou corps décharnés, enfants malingres et vieillards fatigués, regards fous ou éteints…

Lorsque nous sortons de l’exposition, la nuit est tombée. Sur le podium installé sur la place, un groupe de musiciens vient d’ entamer un concert de musique médiévale.

On ferme les yeux. Nous voilà sous le règne d’Ottokar II !
Il n’y a pas à dire, Prague, même à Noël, ça vaut son pesant de cacahuètes grillées, nom d’un sceptre !

(place starometske)


Fin du carnet de voyage praguois.

20 janvier, 2007

Parenthèse et pétition

Patagonie chilienne et rio Baker menacés

Comme beaucoup d'autres probablement, j'ai recu hier soir cet appel en provenance de Greenpeace faisant état d'un projet de construction de barrages sur le rio Baker en Patagonie chilienne. Pour avoir séjourné à plusieurs reprises dans cette région, je peux effectivement confirmer que cette rivière, et tout son bassin, constitue en Amérique latine un sanctuaire naturel immense et unique par sa biodiversité. La construction de ces barrages détruirait évidemment à tout jamais cette richesse. J'invite dés lors tout qui passe sur ce blog à signer cette pétition:

http://www.irn.org/action/060530patagonia.php

19 janvier, 2007

Courage, fuyons....Noël (3)

Dimanche 24 décembre 2006 (suite)

La vedette incontestée de Prague (du moins sur les prospectus touristiques) est le fameux pont Charles. Un édifice construit en 1347 enjambant la Vltava de ses 5 arcades et unissant la vieille ville au quartier Mala Strana, au pied du Château royal. Ce pont pavé, exclusivement piétonnier, est bordé de sculptures religieuses. En cette saison, c’est le rush et des milliers de touristes s’y engouffrent en tous sens, un gobelet de vin chaud à la main. Ils se font photographier ou lisent, parfois à haute voix, les commentaires de leur guide tantôt en japonais, tantôt en anglais, en français, en allemand ou encore en hébreu.

Tous les 10 mètres, des échoppes proposent aux badauds trente six sortes de souvenirs : des portraits réalisés en 8 minutes par un caricaturiste, des vues du pont réalisées à l’huile, au crayon, au fusain, des photos artistiques de ce même édifice vu de nuit, du ciel, d’en bas, de côté, le matin, dans la neige, au printemps et surtout…. sans jamais le moindre passant. Mais quand ont-ils pu prendre ces photos, nom d’une pipe ?

Le soir nous sommes bien décidés à tester les spécialités locales pour « le dîner de réveillon ».
Nous aboutissons finalement dans un resto mexicain, le seul où toutes les tables n’ont pas encore été réservées.

L’avantage de cet établissement est que la carte est bilingue tchèque-espagnol, l’inconvénient est cette salsa débridée et tonitruante débitée tout au long de la soirée. Nous passons néanmoins un très bon moment. Après tout, çà nous rappelle un peu l’Amérique du Sud.
Retour à l’hôtel en tram puis un petit coup d’œil sur le programme de la télé nationale. On passe en ce moment l’ « Age de Glace 2 », version tchèque bien entendu. Nous avions vu le « 1 » il y a quelques mois dans l’avion qui nous ramenait du Chili. Cette fois là, c’était en portugais.
J’espère voir un jour ce film en français, ça à l’air gai.
En attendant nous irons nous coucher. Il est 21h30. Joyeux Noël !



Lundi 25 décembre 2006

A 7 heures et demie, on frappe à la porte. C’est déjà le petit-déjeuner que l’on dépose sur le palier. Café, thé, petits pains, barquettes de marmelade, fromage fondu et beurre. C’est suffisant.


De notre chambre du 4e étage, j’observe le paysage. Il fait froid et gris ce matin. La fenêtre donne sur une cour entourée de garages et l’on voit l’arrière d’une rangée d’immeubles un peu décrépis. La plupart des appartements semblent encore endormis. Les rideaux sont toujours tirés. J’ai l’impression de ressentir la moiteur de ces chambres où des familles sont tombées en léthargie une fois les agapes terminées et les dernières bouteilles de « slivovice » achevées. D’ici, je crois respirer une odeur de cuisine et de tabac froids, peut-être aussi de bougies ou de parfum, sans doute celui de la tante Olga, si capiteux.
Peut-être que dans cette mansarde un enfant est déjà debout. Sans bruit, pour ne pas réveiller ses parents, il essaie le jeux qu’on lui a offert la veille.
Tiens, là-bas, ça bouge. On distingue par intermittence une lumière jaune. Celle d’une ampoule nue. Un chat s’amuse avec la tenture. J’aperçois par l’entrebâillement une femme en peignoir allumant sa première cigarette.

Passons la journée à déambuler dans les rues de la ville. Il n’y a pas encore trop de monde ce matin, sauf au cimetière juif que nous avons justement projeté de visiter. Là, il y a déjà une file de 30 ou 40 personnes. C’est un curieux sanctuaire que ce cimetière dont les pierres tombales se sont accumulées, par couches successives et au fil des siècles pour former aujourd’hui un inextricable labyrinthe. La brume de ce matin ajoute un peu plus de mystère encore à ce singulier jardin lapidaire au désordre savamment orchestré.


Avant la visite du site, les touristes sont invités à se couvrir d’une petite kippa en carton que l’on peut acquérir en échange de quelques couronnes (la monnaie, pas la coiffe !). Une kippa, que l’on recommande par ailleurs de rendre à la fin de la visite (Les couronnes n’étant pas restituées)

Jouxtant le cimetière, un bâtiment, autrefois synagogue, fait aujourd’hui office de petit musée terriblement perturbant. Son thème central est « L’acte créatif dans les situations extrêmes ». On peut y voir des centaines de dessins et de peintures réalisés par des enfants détenus dans les camps de concentration. A côté de chaque œuvre, un nom, un prénom et une date, celle du décès de l’auteur : 1942, 1943,1944…Ils avaient 8, 10, 12 ans. Parfois, deux mots sont accolés aux dessins : « a survécu ».
Ce sont des oeuvres d’une vigueur inouïe qui racontent la vie dans les camps. On reconnaît de sinistres wagons de chemin de fer, des cheminées fumantes, des prisonniers au travail, et puis soudain, contre toutes attentes : un arc en ciel, une fleur, le portrait un peu maladroit d’un être cher et souriant…

De retour au centre-ville, Marie-Hélène me fait remarquer qu’il n’y a aucun tzigane ou gitan dans les rues. C’est vrai que cela correspond sans doute à une idée préconçue, comme une sorte d’image d’Epinal, mais on s’attendait, comme dans certains pays balkaniques, à en rencontrer un peu partout jouant de la musique, improvisant dans les bars, les caves et autres brasseries enfumées comme il y en a tant ici. Mais peut-être sommes- nous encore un peu trop sous le coup du dernier film de Tony Gatlif « Transylvania », que nous avions vu quelques jours auparavant.

On finit par supposer qu’il y a probablement une politique draconienne en matière de « vagabondage » dans cette ville décrétée « Patrimoine de l’ UNESCO » où tout doit forcément être exempt de « tache». Même les mendiants sont rares ici. A moins qu’ils ne soient particulièrement mal venus. Cet après-midi, j’en ai quand même aperçu un tout près du pont Charles, à quelques mètres du « Musée de la Torture ». Il avait adopté une pose curieuse pour quémander quelques pièces. A genoux, le corps prosterné vers le passant, comme dans une attitude de prière, son visage était littéralement écrasé contre le sol et seul émergeait de cette masse informe un malheureux gobelet « Mac Donald » en guise de sébile. J’ai à peine eu le temps d’observer la scène qu’un policier, surgi de nulle part, mettait fin aux agissements de l’homme en l’évacuant manu militari.

15 janvier, 2007

Courage, fuyons...Noël ! (2)

Dimanche 24 décembre 2006 (suite)

De la place de la République, il reste encore un métro à prendre jusqu’à notre hôtel, rue Hermanova. L’escalator descendant à la station est un véritable piège, il doit être incliné à 45 degrés. Il nous faut quelques secondes pour nous risquer à l’emprunter tant sa vitesse nous semble fulgurante. Le tout étant de bien calculer le moment où il faut mettre le pied sur la première marche. Si cette opération est réussie, le reste suit tout seul.
Nous remontons au jour 3 ou 4 stations plus loin, cette fois par l’escalier, et nous débouchons dans une banlieue grise et informe où s’emmêlent un pont de chemin de fer, une route à quatre bandes, une passerelle métallique, un tunnel piétonnier assez inquiétant le tout entouré de façades austères et staliniennes. Nous interpellons deux jeunes gens un peu goguenards pour demander notre chemin, plan à l’appui. Ils l’observent un bon moment puis avouent ne pas s’y retrouver.

A force d’obstination et d’ erreurs, nous parvenons à l’hôtel Hermanova.
Cinq étages de chambres modestes mais bien entretenues avec une petite salle de bain, un chauffage central fonctionnant à toute berzingue et un ascenseur lilliputien pouvant contenir au maximum 4 « ozoby ». Comme nous ne sommes que trois, ça devrait aller. Une notice en anglais précise encore qu’il est strictement défendu de sauter dans l’ascenseur. Personnellement, je n’ai jamais eu une envie irrépressible de sauter dans un ascenseur.

Il y a la télé dans notre chambre.
Pour l’instant on diffuse un concert de chants de Noël tchèques interprétés par des choristes au teint cadavérique et à l’expression torturée. J’ai l’impression de voir l’image démultipliée du poète Maïakovski quelques minutes avant son geste fatal. Je ferme la télé.

Nous nous mettons sans plus attendre à la découverte de la ville. Une petite éclaircie a l’ air de s’annoncer.

En route, nous sommes suivis puis rejoints par deux touristes dinantaises (elles logent dans le même hôtel que nous). Sans doute pensent-elles avoir affaire à des personnes connaissant la ville. Pas de chance pour elles, nous nous égarons lamentablement et finissons d’ailleurs par les perdre de vue.

Arrivons finalement dans le centre. La juxtaposition des styles y est tout simplement ahurissante. Chaque rue semble contenir un résumé de l’histoire de l’architecture de ses quatre ou cinq cents dernières années. Baroque, gothique, rococo, médiéval, modern style, etc…. Ca donne le tournis et des torticolis.

Nous avisons une brasserie, bondée comme toute les autres, où nous souhaitons manger un bout. On ne cherchera pas la complication et commandons 3 goulaschs, 2 bières et un coca. C’ est à peu près les seules choses dont nous sommes sûrs de la signification.
La goulasch est servie dans un pain évidé faisant office de petite soupière. C’est amusant.
Pablo commande ensuite un dessert. Il s’agit semble-t-il d’une sorte de gâteau aux abricots garni d’une impressionnante volute de crème fraîche. Comme le dessert en question n’arrive toujours pas au bout d’une dizaine de minutes, nous demandons l’addition. Sur la note est inclus le prix du fameux gâteau, que nous n’avons pourtant pas eu. « Oui, mais vous l’avez quand même commandé réplique le garçon, un peu excédé». En insistant un peu, nous repartons avec la pâtisserie dans une grosse boîte que nous allons traîner le reste de l’après-midi.





11 janvier, 2007

Courage, fuyons...Noël (1)

(photo Pablo Jacqmin)

Dimanche 24 décembre 2006

Pour entamer cette nouvelle année, un carnet de voyage tout petit mais tout frais puisque réalisé entre le 24 et le 27 décembre dernier à l’occasion d’un voyage-éclair à Prague.
Voyage qui, je l’avoue, n’a pas fait l’objet d’une grande préparation et pour tout dire, a été réalisé dans une certaine précipitation. Et pour cause.
Nous n’avions qu’une envie, un peu honteuse, je l’avoue, nous échapper et surtout échapper de toute urgence au sacro-saint réveillon de Noël en famille. Evénement que nous fêtons depuis pratiquement 25 ans dans les mêmes conditions, avec les mêmes personnes –que nous adorons au demeurant- et…les mêmes cadeaux : un bijou malgache acheté à la boutique Oxfam du coin pour « W», la bonne petite bouteille de « prune » rapportée du Luxembourg pour « X », une compilation de chansons traditionnelles hongroises pour « Y » (« Y » adore la musique traditionnelle hongroise) et pour « Z », un grand bol avec une phrase amusante inscrite dessus, de préférence en wallon, par exemple : « Oufti, k’sè tchaud ! » (« Sapristi, que c’est chaud ! »)
Ça fait toujours rire, paraît-il.

Bref, nous nous engouffrons le 24 décembre à bord d’un avion de la Germanwings (une compagnie low cost) démarrant de Cologne à 9 heures du matin.
Déjà, je suis épuisé par le voyage en voiture Oupeye-Cologne. A peine 120 kilomètres, certes, mais parcourus dans l’obscurité la plus totale (les autoroutes allemandes ne sont toujours pas éclairées) , une incomparable purée de pois et durant tout le trajet, la chanson de Jean Ferrat « Nuit et Brouillard » me trottant dans la tête.

Le pilote de l’avion -silhouette élancée, cheveux blonds mi-longs et halage parfait- vient de monter la passerelle quatre à quatre et s’ engouffre dans la carlingue. La porte du cockpit est restée ouverte et je vois s’enfoncer le play-boy teuton dans son siège avec la désinvolture d’un gamin prenant possession de son cuistax à Knokke-le-Zoute. Il embrasse une hôtesse – j’ai l’impression qu’il va lui mettre la main aux fesses- salue son co-pilote et fait de grands signes rigolards aux mécanos restés au sol.

Décidément, je ne pensais pas qu’un jour le personnel volant arriverait à une telle légèreté. Ce n’est quand même pas rien que de piloter un Airbus. Ne fût-ce qu’un « petit » A319.
Ça y est, les turbines vrombissent, le fuselage tremble et le bruit devient infernal. Mais qu’ utilisent-ils comme carburant dans ces appareils ?
Voilà que mes mains deviennent moites et mon cœur se met battre à du deux cents à l’heure.

Cinquante cinq minutes de palpitations plus tard, nous atterrissons à Prague. Le ciel est plombé et le froid transperçant. Une navette nous emmènera bien vite vers le centre. Mais au préalable, le chauffeur du minibus m’adresse une tirade en tchèque. Le petit lexique rapidement révisé durant le vol ne me permet toutefois pas de saisir l’intégralité de son discours. En désespoir de cause, l’homme me montre son porte-feuille. C’était pourtant clair : « On paie d’abord, on démarre ensuite ». De dos, je ne vois du chauffeur que sa nuque « von stroheimienne ». Je l’imagine déjà avec une gabardine gris-foncé comme celle que porte la police secrète Bordure dans l’ « Affaire Tournesol ».

L’ « homme de la Zep» nous débarque Place de la République après un quart d’heure de route. Là, nous sommes aussitôt accosté par un vendeur de toques en fourrure. « Attention, si vous la voulez avec l’ écusson (il s’agit d’un insigne avec le marteau et la faucille), c’est plus cher , prévient le commerçant ». Nous déclinons la proposition, mais, en bon joueur, l' homme nous offre quelques cacahuètes grillées enrobées de sauce caramel. Pablo s’inquiète de cet étrange présent.
« Tu crois qu’on peut les manger me demande-t-il ».
« Vérifions d’abord qu’elles ne contiennent pas du polonium, lui dis-je ». Trop tard, mon fils en a déjà englouti une pleine poignée. Tans pis, nous verrons bien.


(1) (2)

(1) Place de la vieille ville -Staromestske namesti- et la tour de l'Hôtel de ville illuminée. (2) Ambiance brumeuse sur le "canal" Certovka

(3) (4)

(3) Ascenseur Art Nouveau à la Maison Municipale. (4) Ruelle derrière l'église Notre-Dame-du-Tyn

(5) (6)
(5) Plaque d'égoût (6) Relève de la garde au Château royal

06 janvier, 2007

Mission à Gourcy (10e et dernier épisode)

Vendredi 15 juillet 2005


Journée un peu pénible et peu de chose à en dire sinon que nous partons de bon matin vers Ouagadougou où Michel a quelques rendez-vous, notamment avec un fonctionnaire de la Région wallonne ainsi qu’avec Quentin de l’asbl Autre Terre. Cette dernière réunion doit permettre de faire une première synthèse de ce voyage et ouvrir quelques pistes quant à un futur partenariat entre la Commune d’Oupeye et celle de Gourcy. Nous reprendrons enfin la route en direction de Bobo Dioulasso dans le courant de l’après-midi. Là-bas, nous sommes invités à assister au lancement officiel d’un projet de téléphonie mobile mis en place précisément par l’ASBL belge Autre-Terre et l’association ECLA dont nous avions rencontré le responsable à Ouahigouya en début de séjour. Nous arrivons à Bobo Dioulasso en fin de journée après une longue route fatigante et plutôt monotone, bien que le paysage, à mesure que nous avançons vers le sud, devienne un peu plus vert et quelque peu plus vallonné. Voyage au cours duquel nous manquons de peu de rentrer en collision avec une famille d’éléphants traversant la route. Nous serons logés dans un bâtiment un peu spartiate qui doit être un séminaire ou quelque chose dans le genre.

(bobo dioulasso, à la tombée du jour)

Samedi 16 juillet
La manifestation à laquelle nous avons été invités ce matin ne manque décidément ni d’intérêt ni d’originalité. L’inauguration officielle de ce projet, auquel assiste d’ailleurs la Ministre de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale consiste à fournir à un certain nombre de handicapés sans travail un tricycle sur lequel a été fixé un téléphone. Il s’agit en fait de « cabines téléphoniques » mobiles qui sillonneront dorénavant la ville en tous sens en permettant à tout un chacun de pouvoir appeler à partir de ce poste, moyennant une légère contribution et ce y compris -et surtout- dans la banlieue mal desservie en matière de télécommunication.
Au cours de la cérémonie, assez émouvante, les handicapés vont recevoir à tour de rôle leur nouveau « véhicule » et seront invités à composer le numéro d’une des personnalités présentes, histoire de vérifier que tout fonctionne correctement. Tout le monde aura ainsi droit à son petit coup de fil « en direct » : Le Maire, le Curé, la Ministre, etc.., .
Comme de coutume, la manifestation se clôturera par un spectacle de chants et de danses traditionnels.
Après une dernière réunion avec un diplomate burkinabé autrefois en poste en Europe (sa maison est glaciale et j’y attrape un rhume, merci le conditionnement d’air !) Nous consacrons une bonne partie de l’après-midi à la visite de Bobo Dioulasso. Une ville très agréable et vivante avec de belles avenues parfois bordées d’arbres et bien ombragées. Nous y croisons même, et c’est la première fois depuis le début de ce périple, quelques routards européens. Sans rentrer dans de longues considérations d’ordre touristique, il faut quant même signaler que cette ville mérite le déplacement, ne fût-ce ce que par son vieux quartier et son antique mosquée en banco. Une visite que nous effectuons en présence d’un guide dûment accrédité et parfaitement compétent. Il nous explique qu’ il fait partie d’une jeune association dont le but est de développer et professionnaliser l’activité de guide mais aussi « de venir à bout de toute une série de magouilleurs pas toujours très honnêtes nous dit-il ».

(bobo dioulasso, scène de rue)





(bobo dioulasso, la vieille mosquée)




(bobo dioulasso, la vieille mosquée, détail)


(bobo dioulasso, brasserie artisanale)



(bobo dioulasso, sur les toits de la ville)



Dimanche 17 juillet

En route vers Ouagadougou et préparatifs de retour. Nous retrouvons une dernière fois la maison de Quentin où nous récupérons une partie de nos bagages. Nous prenons également quelque repos avant d’entamer le voyage vers Bruxelles. Un trajet qui s’effectuera de nuit, toujours à bord d’un avion de la Royal Air Maroc à peine rempli à moitié. Dans la salle d’attente de l’aéroport, je bavarde un moment avec un couple de touristes belges. L’un et l’autre paraissent fourbus et ne cachent pas leur désappointement à l’égard de ce pays.
On peut en effet se poser la question de savoir s’il est bien approprié de faire du tourisme au Burkina Faso, ou dans quelque autre pays du tiers-monde d’ailleurs.
Personnellement, je pense que oui. Du moins si l’on accepte, sans broncher, les conditions de vie locale et que l’on ne tente pas de reproduire ou de retrouver un confort « à l’occidental » et puis surtout, que l’on puisse témoigner au mieux de ce que l’on a vu, sans porter le moindre jugement.
Mais est-ce là un comportement de touriste ?
Le Burkina Faso a certes a une dimension tragique mais aussi…. grandiose. Tragique car la misère socio-économique est abyssale et qu’en cette période, de plus, certaines régions du pays sont quasiment au bord de la famine et bon nombre de puits sont à sec. Ce pays est en même temps grandiose par la force, le dynamisme, l’ingéniosité, l’humour, la créativité et l’amour de l’autre dont ce peuple est capable malgré l’adversité. Rarement, j’ai pu apprécier un peuple à la fois aussi doux, pacifique et doté d’une telle obstination. C’est pourquoi, à mon avis, le Burkina Faso est promis à un avenir de premier plan en Afrique dans les prochaines décennies. Ce n’est pas pour rien non plus que Burkina Faso signifie « Le Pays des Hommes Intègres »

Petit complément d’informations à propos de ce voyage :

Dans les mois qui ont suivi cette mission, deux projets, modestes mais essentiels, se sont concrétisés : L’un consiste à la mise en place d’une structure de gestion des déchets (création d’un équipe de collecte des ordures dans le centre de Gourcy avec matériel ad hoc tel que charrettes, ânes, outils, matériel divers, paiement des premiers salaires, etc.. ) ainsi que le matériel et l’assistance technique destinés au creusement d’un nouveau puits. Le tout pour un montant global d’environ 65.000 euros
Une 2e mission au départ d’Oupeye se rendra à Gourcy en février 2007 afin d’évaluer l’évolution du projet sur place ainsi que d’envisager d’autres projets, peut-être plus ambitieux.