12 mai, 2008

Chili, des photos, des légendes...(12)

Trois petites étapes sur la route de Santiago (1/3)

Depuis Calama et les « oasis nordiques » évoquées précédemment jusqu’à la ville côtière de La Serena où nous sommes arrivés hier, il y a un bon millier de kilomètres. Compte tenu de la longueur du pays, cette distance n’est pas si énorme mais nous avons mis plus de dix jours à la parcourir en stop. Non pas que « voyager au doigt » fonctionne mal ici mais un problème inattendu nous a contraint à rester une semaine en rade à Taltal. Un port miteux où il n’y a, me semble-t-il, rien d’autre à faire que d’observer les pélicans désœuvrés sur la jetée –dans le meilleur des cas- ou, -dans le pire-, de se saouler avec les marins au chômage dans les boui-boui longeant la baie. Pour ma part, je n’ai fait ni l’un ni l’autre puisque je suis resté alité pendant une semaine dans la première pension venue en raison d’un épouvantable abcès dentaire. Une période nécessaire pour faire tomber la fièvre consécutive à ce problème et attendre que ma mâchoire puisse de nouveau fonctionner normalement et que la gencive dégonfle un peu (Marie-Hélène me comparait à Elephant Man !) Je ne pouvais plus ouvrir la bouche et les seuls aliments qu’il m’était encore possible d’ingurgiter étaient des yogourts et des soupes en sachet que j’absorbais à la paille. Dieu merci, les pharmaciens chiliens sont des gens compétents et celui qui m’examina à Taltal me conseilla un antibiotique radical. Il faut dire qu’ ici, pour des raisons économiques évidentes, la plupart des gens ont plus souvent recourt au pharmacien plutôt qu’au médecin. Les pharmaciens peuvent également délivrer pratiquement tous les médicaments possibles et imaginables sans la moindre ordonnance. Le Chili est pour cela un vrai royaume de l’automédication.
Ceci dit, et après quelques menues péripéties en chemin (rencontre avec un jeune automobiliste suicidaire qui nous déclara, à peine rentrés dans son véhicule, que si sa femme ne regagnait pas bientôt le domicile conjugal, il se jeterait, lui et sa voiture, du haut de la première falaise venue !), nous voici donc à la Serena. D’ici, l’on peut s’aventurer facilement en bus dans l’arrière-pays, vers les petits villages perchés sur les contreforts de la Cordillère. Parmi ces villages, ceux de Vicuña et de Pisco Elqui sont intéressants. Vicuña est même une petite ville. Elle se trouve nichée dans la vallée de l’Elqui et jouit d’un climat quasi méditerranéen. On y cultive une variété de raisin très sucré dont la saveur évoque celle du muscat. C’est aussi avec ce raisin que l’on fabrique l’alcool national : le Pisco. Les puristes et les Péruviens prétenderont que cela est faux car, selon ces derniers, le Pisco est un alcool tout ce qu’il y a de plus péruviens. Mais ici, on vous dira le contraire. D’ailleurs, les paysans du cru précisent que si le village voisin s’appelle Pisco Elqui, ce n’est pas un hasard. Ce que l’on ne vous dira pas, c’est que ce village a été rebaptisé du nom de cet alcool il n’ y a pas très longtemps pour d'évidentes raisons de "marketing". Quoiqu’il en soit, visiter une distillerie de Pisco vaut toujours son pesant de cacahuètes. Les explications du guide de l’entreprise Capel sont certes très techniques et fastidieuses, mais la partie réservée à la dégustation des différents produits laisse un agréable souvenir car il y a beaucoup de choses à tester : les jeunes Pisco, les demi-vieux, les très vieux -vieillis en fûts de chêne-, les cuvées spéciales, sans compter les « mixtures » prêtes à l’emploi telles que les merveilleux Pisco-Sour (avec jus de citron, sucre de canne, etc…). Bref, en cette fin d’après-midi, nous n’étions plus d’une extrême fraîcheur pour nous plonger dans l’œuvre et la vie d’une des plus grandes écrivaines du pays (Prix Nobel de littérature en 1945), à savoir la poétesse Gabriela Mistral qui a vu le jour ici et dont on peut encore visiter la maison située au cœur de la petite ville.


(La maison natale de la poétesse Gabriela Mistral à Vicuña)


En suivant en amont le cours de l’Elqui sur une distance d’environ 40 kilomètres se trouve donc le village de Pisco. Nettement plus petite que Vicuña, cette entité a conservé un beau cachet rustique. L’activité y est évidemment agricole et surtout fruitière. Outre les vignes qui occupent toujours le premier plan, on trouve aussi les cultures de prunes, de goyaves et d’abricots. Ces derniers sont le plus souvent mis à sécher au soleil sur les toits des maisons pour obtenir les « huesillos » (abricots secs).
Dans les rues et les ruelles séparant les vergers, les senteurs sont divines et les parfums des différents fruits se mélangeant produisent une seule et unique fragrance capiteuse.

Ce jour nous avons planté la tente près d’un torrent dans un lieu planté de saules. Le temps est soudainement devenu incertain. Nous essuyons quelques averses et le ciel reste couvert une bonne partie de la journée. C’est la première pluie depuis le début de notre voyage dans les contrées du nord du pays. On peut à peine distinguer les pics enneigés enserrant le village. Nous avons trouvé refuge dans un café tenu par Don Barboza. Un vieux forban que ce Don Barboza. Originaire d’Argentine, il possède pas mal de terrains dans le coin et s’est toujours efforcé de rentabiliser le moindre mètre carré. D’ailleurs, pour accéder à l’endroit où nous avons dressé le campement, il faut passer par un chemin lui appartenant. Pour pouvoir l'emprunter nous avons été obligé de nous acquitter d’un droit de passage de 800 pesos ! Ce qui représente à peu près la location d’un emplacement dans un camping « ordinaire » de la région. Mais Don Barboza cultive aussi une certaine forme de nostalgie. Pour animer son vieux café, quand les clients s’attablent, il affectionne passer de vieux 78 tours de Carlos Gardel sur un authentique gramophone avec pavillon frappé à l’effigie de « La Voix de son maître » !

C’est très beau que de regarder tomber la pluie sur la campagne en écoutant du tango !


Ce matin, il pleut encore et tout le monde au village est préoccupé par ces pluies tardives. Une fois de plus, on met ça sur le compte de l’ « hiver bolivien », l’éternelle « tarte à la crème » météorologique, cause de tous les dérèglements du ciel.
Qu’importe. Nous prenons notre courage à deux mains et chaussons nos bottines de marche pour partir la journée dans la campagne environnante.

De retour en début d’après-midi, une mauvaise surprise nous attend : nous retrouvons notre tente dans un état lamentable, tout est défait et piétiné. La toile est largement déchirée en plusieurs endroits.. C’est un véritable mystère car rien n’a été volé et la nourriture n’a pas été touchée. Il y a bien deux chevaux a proximité de notre campement, mais cela semble peu probable qu’ils aient été les responsables de ce carnage. Peu encouragés par la perspective d’un éventuel assaut nocturne, nous levons le camp et décidons de rejoindre la côte et poursuivre notre périple vers le Sud.



(d’après Carnet de Voyage de décembre 91)

1 commentaire:

monique darcis a dit…

je découvre avec beaucoup de plaisir toutes vos aventures.
superbes textes et photos