28 décembre, 2009

Oregon : 150 ans en 2009. (3/8)

Oregon: 150 ans en 2009. (3/8)Un reportage réalisé en juillet 2008 (texte et photo: Bernard Jacqmin)
Le Wallowa County
En poursuivant la route vers le Nord-Est, vers le comté de Wallowa, jouxtant la frontière avec l’Idaho, on pénètre cette fois dans un univers de montagnes rugueuses, de vallées profondes, de canyons (le Hells Canyon avec ses 1600 mètres de dénivelé est le plus profond des Etats Unis), de forêts et de lacs. Certains n’ont-ils pas qualifié cette région de « Petite Suisse d’Amérique » ? Ce comté était jadis occupé par les Nez Percé, une tribu de chasseurs-pêcheurs. Wallowa est d’ailleurs un terme utilisé par ces derniers pour désigner le tripode auquel on accrochait le poisson pour le sécher.
Le climat est ici parfois inconstant. Même en ce mois de juillet, il arrive aux cimes des Wallowa Mountains d’ être escamotées par des masses nuageuses compactes et de voir le fond des gorges colmaté par la brume des heures voire des jours durant.

Dans ce cas, on prend alors son « mal » en patience, on s’installe dans l’une des nombreuses aires de camping aménagées au cœur de la forêt et l’on s’active à faire un feu, puis du café. « A la cow-boy »! Le genre de camping dont le fonctionnement est basé sur un principe de confiance absolu : point de surveillance, ni d’accueil et encore moins de caissier pour faire payer le campeur. Seul un panneau installé à l’entrée avertit que pour passer une nuit ici, il vous en coûtera une dizaine de dollars. Pour s’en acquitter, il suffit de prendre une enveloppe dans la boîte prévue à cet effet puis de l’y remettre avec les quelques billets demandés.

Ce jour-là, nous étions à la veille de Fête nationale. Quelques campeurs venus des environs s’étaient établis pour le week-end à l’orée d’un torrent glacé pour profiter du calme incomparable de cette nature sauvage et aussi, selon certains, pour s’éloigner quelque peu du tumulte généré par les manifestations patriotiques, les bals aux lampions et autres explosions d’artifices en tous genres.

Ceci dit, de calme, il n’en sera pas toujours question aujourd’hui !
En fin d’après-midi, des profondeurs des forêts de pins a déboulé une cohorte de quads chevauchés par des gars plutôt balèzes. Cartouchières en bandoulière, flingue dans la ceinture et carabine à portée de main.

Ce n’était pourtant pas la période de la chasse ! Ces gars avaient investi une clairière juste pour « faire des cartons » sur à peu près tout ce qui leur passait sous la main. Au milieu de cette équipée, un gamin de six ou sept ans s’essayait au maniement d’un colt devant son père…. fier de montrer à la cantonade l’ habilité au tir de son rejeton.


- En Europe, je sais qu’on est parfois choqué par ce culte que l’on voue aux armes, mais moi, je trouve qu’on en a pas encore assez ici !
-C’est sécurisant, et puis tout ceux qui parlent d’interdire la vente d’armes n’y connaissent rien. Le jour où cette f*** loi passera, il n’y aura plus que les truands qui seront armés !

Comme pour ponctuer ces paroles « bien senties », le père-flingueur, d’un trait, vida sa canette de Bud’ et fit vrombir le moteur de son quad pour disparaître dans les taillis.

Le Comté de Wallowa, c’est aussi le comté des grandes exploitations agricoles, celui des pâtures et des champs à perte de vue que des systèmes d’irrigation abreuvent sans discontinuer. C’est un pays où les jalons sont des silos et des granges. Véritables cathédrales dédiées à la paille. Parfois, elles sont frappées d’un signe d’aspect cabalistique: le sigle du propriétaire, le
même que celui que l’on retrouve tatoué sur l’ arrière-train des vaches.

De temps à autre, de petites villes émergent çà et là. Elles s’appellent Enterprise ou simplement Joseph (En souvenir du célèbre Joseph, chef incontesté des Nez-Percés jusqu’en 1904)

Son vrai nom était Hin-mah-too-yah-lat-kekt (Le tonnerre qui descend de la montagne) mais Joseph sonnait sans doute plus chrétien. A part cela, peu de trace de la culture des Nez Percés ici, sauf peut-être chez le bouquiniste du coin ou dans la réserve de l’antiquaire local. Dans la réserve, car dans sa boutique, l’on n’y trouve en
ce moment que d’antiques selles de cheval et des peintures réalistes représentant des cow-boys en chevauchée ou des scènes de genre où apparaissent des fermiers occupés à faire rentrer le bétail dans les corrals, le tout sur fond de ciel flamboyant.

Dans l’artère principale de Joseph, le monument principal est aussi une glorification du cow-boy dans toute sa splendeur. Il apparaît ici, dans une pose acrobatique, sur le point de maîtriser un étalon fougueux.



(les 3 photos ci-dessus: dans et aux alentours de la petite ville de Joesph)
(Prochain épisode le 4/12/10)



21 décembre, 2009

Oregon : 150 ans en 2009. (2/8)

Oregon: 150 ans en 2009. (2/8)
Un reportage réalisé en juillet 2008 (texte et photo: Bernard Jacqmin)

Histoire de connaître une progression dans l’éblouissement, on peut entamer un périple en Oregon par sa face la plus austère, en venant du Nevada par exemple, par cette route 95 dont le goudron n’en peut plus de fondre sous le cagnard de juillet et le poids des Peterbilt traînant d’improbables cargaisons. Celui qui vient de passer devant nous, précisément, transporte une collection de bungalows entièrement montés qu’il n’y aura plus qu’à habiter une fois posés sur le sol !
Cette route est hypnotique et irréelle. Elle croise tantôt un hameau informe, tantôt la dépouille d’un renard ou d’une couleuvre, parfois une rangée de boîtes aux lettres sans la moindre habitation à l’horizon, au mieux, un motel-station-service perdu au milieu du vide minéral. Celui-ci, en l’occurrence, est tenu par une descendante de Chinook, ou de Nez-Percé ou peut-être de Klamath. Sur la porte d’entrée, deux affiches déjà décolorées annoncent, l’une, le prochain pow-wow organisé par la communauté de natifs locaux et l’autre, le grand rodéo annuel du côté de Fort Mc Dermitt. Dans la cour prolongeant l’établissement, un gars, probablement le « chum » de la patronne, bricole sans conviction dans le ventre d’une Chevrolet désossée. Et comme un fait exprès, c’est à cet instant que de la radio s’échappent les accords poisseux de ZZ Top. Le mirage n’est plus très loin !

Si la clim’ tient le coup, que l’on garde le cap vers le Nord en dépassant des lieux aux noms aussi évocateurs que Crane ou Lac Malheur, on est récompensé. Par degré, le vert reprend le dessus , le relief ondule gentiment, le parcours devient aussi plus sinueux voire plus mystérieux. Comme cette vallée de la John Day River. De celle-ci, on dit que l’on peut y voir l’évolution de notre planète comme dans un livre ouvert. Des millions d’années de spasmes volcaniques et de convulsions telluriques ont emprisonné dans les couches
sédimentaires superposées ce qu’il convient d’appeler une séquence ininterrompue débutant il y 54 millions d’années. « La plus longue et la plus complète du monde » soutient le paléobotaniste américain R.W. Chaney. De fait, il s’agit ni plus ni moins d’un « Pompeï » du cénozoïque où l’on peut reconstituer le quotidien du dinosaure ou du chameau, du pécari ou de la tortue géante. La collection du centre d’études et de recherches local abrite 22.000 spécimens de fossiles allant de la semence de graminée au squelette de patriofelis, (un grand félin peuplant la région il y a 45 millions d’années). Seul un dixième de cette fabuleuse moisson a été identifié à ce jour.
(Prochain épisode le 28/12/09)

15 décembre, 2009

Oregon:150 ans en 2009 (1/8)

Oregon : 150 ans en 2009. (1/8)


Parcours impressionniste dans un Etat….confidentiel !
-Introduction-
Si l’on évoque le nom des Simpson, de la société Nike, du groupe pop-psychédélique les Dandy Warhols ou encore du film-culte fantastique Shining de Stanley Kubrick, il y a fort à parier que bien peu y verront un point commun. Et pourtant, il en est au moins un : l’Etat d’Oregon, sur la côte ouest des Etats Unis. Cette année 2009 est l’année de son 150e anniversaire ! Ancienne annexe des possessions françaises du Canada, l’Oregon fut longtemps l’objet de contestations entre les Anglais et les Américains. Ce n’est qu’ en 1848 qu’un traité fixera définitivement la limite entre les deux puissances. Ce qui était au Nord du 49e de latitude Nord appartiendrait aux Anglais et la partie au Sud reviendrait aux Américains. La zone incombant aux Etats-Unis était érigée en Territoire dès 1850 puis en Etat à partir de 1859. Enserré par la Californie et le Nevada au Sud, l’Idaho à l’Est, l’Etat du Washington au Nord et le l’océan Pacifique à l’Ouest, l’ Oregon n’est certes pas l’état le plus médiatisé des « States ». C’est étrange et finalement fort injuste ! Huit fois plus grand que la Belgique mais aussi trois fois moins peuplé (3,5 d’habitants) l’Oregon est pourtant un Etat dont les caractéristiques physiques sont d’une diversité saisissante. L’expression peut sembler galvaudée mais que dire d’un pays qui recèle sur une superficie d’un peu moins de 250.000 km2 un des sommets les plus hauts d’Amérique du Nord (le Mont Hood, 3426 mètres), son lac le plus profond (le Crater Lake, 594 mètres), un de ses fleuves les plus puissants (la Columbia River, 1954 km) avec un débit dépassant certaines années celui du Mississippi ! Que dire encore d’un pays où se juxtaposent des régions au climat qualifié de « breton » (tempéré humide) d’autres de désertique, sans parler de ces forêts impénétrables finissant à l’orée de l’océan, de ces campagnes vallonnées et verdoyantes, de ces plages parmi les mieux préservées et les plus sauvages de la côte Ouest ou encore de ces sommets enneigés où douze mois par an les amateurs peuvent s’adonner aux joies de la poudreuse.

Le retour!!!

Bonjour à tous! Après une longue période d' absence sur ce blog, pour de multiples raisons, bonnes ou mauvaises, je reprends la rédaction de ce modeste blog consacré aux anecdotes, journaux et notes de mes voyages récents ou anciens. En ce qui concerne, le carnet de voyage "Chili", il restera -après 17 épisodes- momentanément en suspens.
Dès aujourd'hui et à raison d'une livraison par semaine j'entame un petit reportage consacré cette fois à l'Oregon. Etat assez peu connu et peu médiatisé de la Côte Ouest des Etats-Unis où j'ai séjourné en juillet 2008.