21 décembre, 2009

Oregon : 150 ans en 2009. (2/8)

Oregon: 150 ans en 2009. (2/8)
Un reportage réalisé en juillet 2008 (texte et photo: Bernard Jacqmin)

Histoire de connaître une progression dans l’éblouissement, on peut entamer un périple en Oregon par sa face la plus austère, en venant du Nevada par exemple, par cette route 95 dont le goudron n’en peut plus de fondre sous le cagnard de juillet et le poids des Peterbilt traînant d’improbables cargaisons. Celui qui vient de passer devant nous, précisément, transporte une collection de bungalows entièrement montés qu’il n’y aura plus qu’à habiter une fois posés sur le sol !
Cette route est hypnotique et irréelle. Elle croise tantôt un hameau informe, tantôt la dépouille d’un renard ou d’une couleuvre, parfois une rangée de boîtes aux lettres sans la moindre habitation à l’horizon, au mieux, un motel-station-service perdu au milieu du vide minéral. Celui-ci, en l’occurrence, est tenu par une descendante de Chinook, ou de Nez-Percé ou peut-être de Klamath. Sur la porte d’entrée, deux affiches déjà décolorées annoncent, l’une, le prochain pow-wow organisé par la communauté de natifs locaux et l’autre, le grand rodéo annuel du côté de Fort Mc Dermitt. Dans la cour prolongeant l’établissement, un gars, probablement le « chum » de la patronne, bricole sans conviction dans le ventre d’une Chevrolet désossée. Et comme un fait exprès, c’est à cet instant que de la radio s’échappent les accords poisseux de ZZ Top. Le mirage n’est plus très loin !

Si la clim’ tient le coup, que l’on garde le cap vers le Nord en dépassant des lieux aux noms aussi évocateurs que Crane ou Lac Malheur, on est récompensé. Par degré, le vert reprend le dessus , le relief ondule gentiment, le parcours devient aussi plus sinueux voire plus mystérieux. Comme cette vallée de la John Day River. De celle-ci, on dit que l’on peut y voir l’évolution de notre planète comme dans un livre ouvert. Des millions d’années de spasmes volcaniques et de convulsions telluriques ont emprisonné dans les couches
sédimentaires superposées ce qu’il convient d’appeler une séquence ininterrompue débutant il y 54 millions d’années. « La plus longue et la plus complète du monde » soutient le paléobotaniste américain R.W. Chaney. De fait, il s’agit ni plus ni moins d’un « Pompeï » du cénozoïque où l’on peut reconstituer le quotidien du dinosaure ou du chameau, du pécari ou de la tortue géante. La collection du centre d’études et de recherches local abrite 22.000 spécimens de fossiles allant de la semence de graminée au squelette de patriofelis, (un grand félin peuplant la région il y a 45 millions d’années). Seul un dixième de cette fabuleuse moisson a été identifié à ce jour.
(Prochain épisode le 28/12/09)

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