10 janvier, 2010

Oregon : 150 ans en 2009. (4/8)

Oregon: 150 ans en 2009. (4/8)Un reportage réalisé en juillet 2008 (texte et photos: Bernard Jacqmin)

La Columbia River

Historiquement, naturellement pourrait-on dire, la voie d’accès principale vers l’Oregon en venant de l’Est est un fleuve. Une autoroute liquide ! Majestueuse et puissante : La Columbia River. De mémoire de natifs, l’on a d’ailleurs jamais connu que cette « route » pour traverser le pays d’Est en Ouest, des Rocheuses au Grand Océan. De mémoire d’explorateurs puis de colons, cette percée de près de 2000 kilomètres à travers le pays n’est rien de moins que la voie royale -du moins son dernier tronçon- pour la conquête de l’Ouest.

L’épopée de Clark et Lewis est à ce sujet exemplaire. Mandatés par le Président Jefferson, les officiers Meriwether Lewis et William Clark vont être chargés en 1804 d’explorer les territoires situés à l’Ouest du Mississippi.( ….) Territoires qui jusqu’alors étaient réputés « terrae incognitae ». Hormis de rares aventuriers, des marins et quelques poignées de trappeurs aguerris venus notamment du Canada, personne en effet n’avait encore pratiqué cette contrée. L’ aventure de Clark et Lewis commencera à Wood River (Illinois) en mai de l’année 1804 pour arriver en vue du Pacifique 18 mois plus tard. L’équipée composée d’une trentaine d’homme ne rentrera que 2 ans, 4 mois et 10 jours plus tard après avoir parcouru plus de 8.000 miles, à pied, à cheval, en bateau, empruntant notamment le cours de la Columbia River jusqu’au Pacifique et fonder dans la foulée Fort Clatsop, emplacement de l’actuelle ville d’Astoria. Détail incroyable, compte tenu des dangers et des difficultés croisées: une seule personne périra au cours de cet épique saga.

Cette expédition marquera le début du plus grand flux migratoire qu’ait jamais connu l’Amérique. Les précieuses informations recueillies par les deux explorateurs vont enflammer l’imaginaire de la jeune nation et nourrir d’espoir de centaines de milliers de personnes en quête d’un avenir meilleur et surtout de terres à « bon prix ». Dès 1840 et pendant près de 40 ans ce ne sont pas moins de 400.000 aventuriers, qui parcourront ce qui, désormais, sera baptisé l’Oregon Trail. Une aventure nécessitant, dans le meilleur des cas, 6 mois à partir des rives du Mississippi avec de rustiques chariots bâchés tractés par des bœufs traversant le Kansas, le Nebraska, le Wyoming, l’Idaho et enfin l’Oregon à partir duquel certains se dissémineront vers la Californie ou le Washington.

Témoin privilégié de cet exode sans précédent, l’écrivain Mark Twain dans son ouvrage intitulé « A la dure » décrit en 1861 ces caravanes alors qu’elles ne sont pas encore à mi-chemin : « Le vêtement pauvre et la mine triste, cheminant péniblement et poussant leur troupeau de vaches, il y avaient des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui avaient marché comme cela, jour après jour, pendant huit interminables semaines pour parcourir mille deux cent quatre vingt quatre kilomètres ! Ils étaient poussiéreux et hirsutes, tête nue et déguenillés, ils avaient l’air si fatigués !… »

Si la morphologie de la vallée de la Columbia River a certes subi d’immenses mutations depuis cette époque « héroïque » –Aujourd’hui, avec 14 barrages sur son cours et 150 sur l’ensemble de son bassin, la Columbia River est le fleuve comptant le plus de centrales hydroélectriques en Amérique du Nord- la vallée de la Columbia River demeure plus que jamais un territoire où le terme « sauvage » garde un sens. Et ce ne sont pas les saumons qui le contrediront puisqu’ils sont encore 16 millions à remonter son cours chaque année !

Aussi, dès que l’on quitte la Higway 84 et que l’on traverse la voie ferrée longeant le fleuve, le visiteur se retrouve-t-il aussitôt enveloppé, happé pourrait-on dire, par une nature exubérante, dense et variée, au relief imprévisible. Une multitude de sentiers balisés permet de s’y fondre et dans une certaine mesure, de revivre les émois des premiers aventuriers qui défrichèrent la voie.

Les points de vue spectaculaires succèdent alors aux tunnels de frondaisons bruissantes, les chemins en corniche aux vastes clairières tapissées de fougères.
Ici et là, du fond des canyons, remontent le tumulte de torrents glacé dont le cours, bientôt, sera brisé par autant de chutes vertigineuses.


(Prochain épisode le 17/1/10)

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