14 février, 2010

Oregon: 150 ans en 2009 (7/8)

Oregon: 150 ans en 2009 (7/8)
(Un reportage réalisé en juillet 2008 (texte et photos: Bernard Jacqmin)



La Côte

“Océan en vue! O joie ! » écrivait Clark dans son journal à l’issue de l’incroyable aventure qu’il venait d’accomplir. L’enthousiasme qui avait prévalu pour lui et ses compagnons en accédant aux rives du Pacifique se mua pourtant vite en un cruel désenchantement. Dans ce même carnet, on peut lire un peu plus loin : « A 2 heures, la marée monta sous la forme d’énormes vagues et d’un vent terrible. Elle renfloua les arbres…et se mit à les chasser çà et là…Toutes les peines, notre attention la plus soutenue, permettaient tout juste d’empêcher notre canoë de se faire écraser par des troncs monstrueux dont de nombreux mesuraient près de 60 mètres de long et de 1 à 2 mètres de large…Les rondins sur lesquels nous dormons partent à vau-l’eau à chaque marée. La pluie tombe toute la journée. Nous sommes mouillés, notre literie aussi, et une bonne partie de notre matériel….Rien à manger sauf du poisson matraqué »

Cette vision presque apocalyptique de la côte Nord-Ouest, n’a en soi rien d’étonnant. Cette côte ne connaît-elle pas un des plus violents ressacs du monde. En hiver, les tempêtes lancent contre les falaises des vagues qui dépassent 6 mètres de haut et le choc qui en résulte est comparable à l’impact d’une voiture lancée contre un mur à 150 kilomètres à l’heure ! Depuis le Japon, aucune barrière de récifs ni groupes d’îles ne brise le choc de ces vagues poussées par le vent sur ce qui est considéré comme plus long parcours océanique de l’hémisphère Nord.

Il n’empêche que ce rivage, d’Astoria aux dunes de Florence et même au delà, vers la Californie, est l’un des plus beaux et des plus sauvages de la côte Ouest. Les ports et les petites villes balnéaires le longeant n’ont en rien dénaturer l’âpre beauté de cette région.

Astoria, à la frontière de l’Etat du Washington -et terme de l’épopée de Clark et Lewis- a d’ailleurs gardé, pour qui prend le temps de musarder, un charme quelque peu suranné avec ses rues pentues et ses façades victoriennes que l’on dit les plus belles après celles de San Francisco. Des réalisateurs tels que Richard Donner (Les Goonies) ou Ivan Reitmann (Un flic à la maternelle) ont bien compris le parti qu’ils pouvaient tirer de ces décors clé-sur-porte en les intégrant dans leurs films, (au point qu’ils en deviennent souvent les éléments les plus intéressants !)

Fondé en 1811 par un négociant en fourrures nommé John Astor, Astoria sera aussi le premier village digne de ce nom de la côte Ouest des Etats-Unis. Sa situation stratégique, puisque situé la fois à l’embouchure de la Columbia River et en bordure de l’Océan- lui valut aux temps héroïques une belle réputation de port de commerce. Aujourd’hui peuplé d’ à peine une dizaine de milliers d’âmes, la bourgade à l’air quelque peu assoupi en dépit de la mise en route de quelques projets à vocation touristique. Quoiqu’il en soit, la petite ville reste plus que jamais un point de passage obligé de la côte-ouest pour qui se rend dans l’état du Washington grâce au fameux Astoria Bridge. Traversant la Columbia River en formant un arc de près de 7 kilomètres, cet ouvrage d’art est aussi considéré comme un des plus remarquables des Etats-Unis.


Si l’on poursuit une vingtaine de miles vers le sud, toujours en longeant la côte, on parvient à la petite ville de Cannon Beach. L’endroit est certes un classique des agences de voyage locales mais comment ne pas tomber sous le charme de cette modeste ville balnéaire, de ses bungalows pimpants en front de mer et surtout de sa plage parsemée d’impressionnants rochers comme, entre autres, le Haystack Rock ? Une sorte de pain de sucre émergeant à 70 mètres au dessus des flots. A elle seule, cette masse rocheuse est un authentique réservoir de vie où s’ébattent joyeusement les crabes-hermites et les étoiles de mer, les cormorans et les goélands, les puffins et les canards-arlequins.

Tôt ce matin, à marée basse, la brume voilait encore les contours de l’imposant monument. En se retirant, la mer avait laissé alentours autant de flaques bleutées et un vent léger ourlait les vagues d’une écume étonnement éblouissante. A cette heure matinale, la plage était encore déserte ou presque car dans le lointain, face à la mer, une jeune femme s’était agenouillée et priait. Qui sait, peut-être était-ce une incantation à l’attention d’un wyakin, un de ces singuliers anges-gardiens auxquels se référaient régulièrement les Nez-Percés lorsqu’ils ressentaient une menace ou se trouvaient face à une épreuve de taille. Peut-être, dans ce cas, l’imminence d’un Tsunami ?! En tous cas, tout ici rappelle cette éventualité et une signalisation explicite, même en bord de plage, indique clairement que la zone peut-être sujette à un tel phénomène et qu’il s’agit dès lors d’emprunter sans attendre telle ou telle route lorsque, le cas échéant, l’ Océan se déchaîne.

Un Océan qui décidément ne laisse aucun répit ni aux habitants de la côte ni aux marins qui croisent au large. Dieu merci, ces derniers ont pour eux de précieux alliés dans leur lutte contre les éléments. On les surnomment les sentinelles de l’Oregon. Ce sont ces neuf phares qui, de la frontière avec le Washington jusqu’à la Californie illuminent la nuit et préviennent des sinistres écueils. Ces phares, dessinés et construits entre 1870 et 1896 par les ingénieurs de l’U.S. Army font aujourd’hui partie intégrante du patrimoine historique et architectural de l’Etat. Tous ont leur propre style, leur histoire, leurs anecdotes étonnantes. Comme celui de Tillamook Rock.

Arnold, marin-pêcheur au physique de viking et accessoirement propriétaire de la poissonnerie de Yachats aime raconter qu’autour de la lanterne de ce phare, construit sur un îlot de basalte à environ 1 miles au large de Cannon Beach, on a dû placer un grillage pour protéger les vitres contre les rochers projetés dans les airs par les caprice des vagues. Il faut préciser que la lanterne de ce phare est située 42 mètres au dessus des flots ! Lors d’une tempête, au début du XXe siècle, on se souvient qu’un bloc de 65 kilos fut projeté à plus de 30 mètres de hauteur. Il retomba sur la maison du gardien et en creva le toit, laissant un trou de six mètres de côté. Exceptés les murs, presque toute la maison fut détruite.

Aujourd’hui ce phare, surnommé à juste titre « Terrible Tilly », est une propriété privé et a pour étonnante vocation celle de columbarium et ne reçoit plus que de temps à autre la visite de personnes venues spécialement y déposer les cendres d’un proche. On imagine sans peine le climat qui doit régner sur le rocher les jours de funérailles !

D’autres phares orégonais ont connu des reconversions moins austères. Celui de Heceta Head, par exemple, dont la maison du garde a, elle, été transformée en un bed and breakfast de charme ! L’endroit constitue aussi un point d’observation sans pareil pour qui s’adonne à l’observation des oiseaux de mer nichant sur les nombreux rochers disséminés à quelques encablures de la côte. Visible de ce phare également, en direction du Nord, cette large ouverture balafrant le flanc de la falaise : l’entrée d’une grotte. Celle-ci est réputée pour être une des plus vastes cavités marines du monde. Depuis des siècles, lions et loups de mer en ont fait une halte incontournable lors de leur transhumance vers l’Alaska et le détroit de Béring. Etrange ambiance que dégage cette cathédrale marine dont les parois amplifient et répercutent en boucle les hurlements des mammifères marins et celui d’une mer déchaînée s’engouffrant sans retenue dans la moindre anfractuosité.

 Cette côte, si souvent déchiquetée, offre toutefois par moment des reliefs moins âpres. C’est le cas notamment aux environs de la ville de Florence. Là, on rentre dans un univers de sable et de dunes impressionnantes. L’histoire de leur création a commencé il y a plus de 50 millions d’années. Dès la formation de la chaîne côtière, des glaciers et des rivières ; le vent et les pluies ont commencé à râper les jeunes sommets pour les transformer en granulat que les éléments se sont aussitôt chargés de transporter jusqu’à la côte. Là, il ne restait plus qu’à laisser œuvrer le vent afin qu’il sculpte ces colossales masses de sable et les convertissent en dunes. A présent, le parc dunaire d’Oregon est le plus vaste des Etats Unis et forme sur près de 80 kilomètres une muraille de sable de plus de 50 mètres de haut. A certains endroits, certaines dunes peuvent culminer à plus 150 mètres.

On ne sera pas surpris d’apprendre qu’un tel spectacle ait transporté d’enthousiasme l’écrivain Franck Herbert. Dans les années soixante, alors qu’il travaille pour un quotidien du Washington, sa rédaction l’envoie à Florence précisément pour réaliser un reportage consacré à l’avancée des dunes et aux moyens mis en place pour tenter d’arrêter leur progression. De retour à Washington, l’article, pour d’obscures raisons, ne paraîtra jamais, mais, inspiré par ce qu’il a vécu sur cette côte, Franck Herbert se lance dans l’écriture de ce qui deviendra un chef-d’œuvre absolu de la littérature d’anticipation. Le titre du roman ?….. « Dune», évidemment !

Entre-temps et jusqu’à ce jour la problématique de l’ inexorable avancée des dunes dans cette région d’Oregon est restée plus que jamais au cœur d’ardentes controverses. En effet, si dès le début du XXe siècle on a pensé que la solution serait de planter différentes variétés de graminées d’origine européenne pour stabiliser ces masses sablonneuses, on s’est aussi progressivement rendu compte que ces plantes, en proliférant de manière quasi incontrôlée, modifiaient de manière irréversible un paysage et un biotope uniques. Elles menaçaient de surcroît d’extinction certaines espèces tels que le pluvier neigeux -un minuscule échassier de la taille d’un moineau – qui ne peut survivre que dans les espaces ouverts et sablonneux. A présent, les responsables locaux de l’environnement s’essaient à différentes méthodes pour tenter d’éradiquer ces herbes devenues « folles ». Cela va de l’arrachage manuel à des technique plus radicales telles que l’usage du bulldozer ou….l’application massive d’herbicides !

Généralement vilipendés par les défenseurs de la nature, les adeptes du quad et autres engins motorisés très prisés ici pour dévaler les dunes ont même retrouvé une bonne conscience. Certains d’entre eux ne proclament-ils pas haut et fort que la pratique de leur sport favori est devenu un acte à portée écologique puisque là où ils passent, l’herbe trépasse !




(prochain épisode le 21 février 2010)

1 commentaire:

code d'einstein a dit…

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Dr Clovis Simard